[ Craving ]

Baisse de dose de méthadone ou prise à vie

Salut Beloc!

J'ai été sous methadone pendant 5 ans et j'ai arrêté mon traitement il y a un peu plus de 3 ans. Avant de te parler de mon parcours j'aurais juste une petite question à te poser.

Beloc29 a écrit

Pourtant actuellement je me sens stable avec mon dosage actuel.
Mes traitements adjuvant (bromazepam et brintellix) m'aident également beaucoup.

Si tu te sens bien pourquoi veux tu baisser maintenant ? Tu as peur d'avoir un traitement au long cours?

J'y vais tranquille j'attends ton retour.

À +

Merci pour ces précisions.

Pour être parfaitement honnête avec toi c'est un sujet délicat mais dont il faut pouvoir parler librement. J'espère que les échanges sur ton thread t'aideront à voir les choses sous un autre angle quant à ta situation .

Ce qui est particulier dans ton parcours c'est que tu as été mis sous TSO pour une dépendance au tramadol et selon moi ce n'est pas un détail.

L'image de la methadone est extrêmement stigmatisée et d'une certaine façon je peux entendre cette peur d'être mis dans la case du "toxico". Néanmoins sache que c'est un traitement qui a suffisamment fait ses preuves pour qu'il soit de plus en plus répandu.

On commence à l'utiliser pour les personnes qui ont des problèmes de santé liées à leur consommation d'alcool et qui n'arrivent pas à arrêter de boire, pour lutter contre les dépressions résistantes etc.. et pour des personnes qui ont également un parcours similaire au tien.

Est ce que tu as une pathologie douloureuse ?

Beloc29 a écrit

C'est juste que dans mon cas je ne veux pas rester indéfiniment esclave des opioïdes. Ça me pourrit de plus en plus la vie sur tous les plans. Social, financier, et  professionnel

Vu tout ce que tu racontes sur le tramadol, la bupre... tu n'as pas l'impression d'être plutôt libéré ? Je t'invite à y réfléchir.

Pourquoi dis tu que ça te pourri la vie alors que tu es stabilisé ?
Il est évident qu'un TSO ne crée pas le bonheur, aucune molécule n'a ce pouvoir incroyable par ailleurs. Seul un travail sur soi peut t'amener à décortiquer les véritables souffrances qui rendent ton quotidien difficile.

La methadone est une béquille en or massif dont on peut se séparer, non sans difficulté, mais oui c'est possible.

Dans ta situation je me dis juste, pourquoi maintenant?

Quand j'ai commencé la methadone je suis partie avec le même objectif que toi. Pour une fois que je me sentais beaucoup plus stable dans ma vie, il a fallu que je trouve un nouveau bouc et missaire ; Le produit qui m'apportait enfin une stabilité.

Avec le recul je me demande sincèrement pourquoi j'ai été aussi dure envers moi même.

J'étais au même dosage que toi et j'ai courue pendant 5 ans pour l'arrêter pour au final me retrouver en psychiatrie shootée aux neuroleptiques. J'ai eu un effet secondaire contraignant avec la methadone ce qui n'a pas du tout aidé à accepter ce traitement et j'ai plongé dans la brèche au point de finir dans un état de détresse physique et psychique à la limite de l'insupportable.

Beloc29 a écrit

Actuellement je suis en train de me demander si je ne vais pas devoir prendre ce traitement à vie. Et ça me démoralise énormément.

Ne te projette pas tout de suite serait, selon moi, le meilleur conseil à te donner. De plus,

Beloc29 a écrit

Mais bon, forcément ça c'est le scénario idéal dans ma tête. Dans les faits je n'ai fait qu'augmenter les doses par tranche de 10mg depuis un an. Tout l'inverse de mon objectif en gros. Et quand je tente de baisser ne serait-ce que de 5mg je ne me sens pas bien. Et je dirais que tous les semestres je ressens le besoin d'augmenter les doses.

Je crois que ton corps te demande implicitement de juste lui foutre la paix ^^. Écoute le!

Pour finir il y a tout un protocole pour baisser son dosage mais de ce que je lis (augmentation, essai de baisse..) ce n'est pas du tout le moment. Les choses se font assez naturellement quand on arrive à lâcher prise et surtout qu'on arrête de se mettre la pression !

Tu n'es pas prisonnier donc inutile de t'affairer à creuser un tunnel pour en sortir. La seule prison, c'est selon moi, les mauvaises représentations que nous avons sur nous même.

Autostigmatisation bonjour !

À +

Dernière modification par Myozotis (Hier à  18:29)

Bonjour Beloc29,

Ton post me parle parce que je suis également passée par ces questionnements, et je voudrais partager mon expérience avec toi.

Il y 20 ans je suis devenue dépendante à l'héro. Après 4 ans de perte de contrôle, je décide de "me sevrer" en suivant un traitement, méthadone car j'injectais le sub. Je suis accompagnée par mon médecin traitant pour qui je suis la 1e patiente sous TSO.

Je démarre à 80mg, et on baisse régulièrement, je passe de 80mg à 0 en 8 ou 9 mois. Je le vis plutôt bien même si en vrai je continue les "extras", car je suis "focus" sur un unique objectif qui est clair: me débarrasser de mon addiction et devenir "clean".
Aucun accompagnement hormis ce médecin traitant.

Une fois le traitement terminé, je tiens 2-3 mois au forceps, mais je compense pas mal avec l'alcool et des médocs codéinés que j'engouffre par boîtes entières. Avec le recul j'ai eu tellement de chance de ne pas flinguer mon foie...

Je reviens à l'héro, à la c, aux injections de speedball, et la perte de contrôle est bien plus terrible encore que la 1e fois, je fonce dans le mur.
Mais j'ai la chance de pouvoir changer mon contexte en partant à 10 000km, et en étant suivie dans un CSAPA dont les soignants sont compétents et à l'écoute.
Mon 1er réflexe est de demander à ce qu'on fasse une sorte de rétro-planning, avec une date de fin. Et là le toubib me demande si mon but actuel est de ne plus avoir de traitement, ou si c'est de me sentir bien. Parce qu'au stade où j'en suis à ce moment là, les 2 ne sont pas forcément compatibles (pas dans l'absolu hein, juste "à ce moment là").

A partir de ce moment là, j'ai pris le truc différemment: accepter la dose avec laquelle je me sens bien. Me détacher de l'approche "produit" pour me concentrer sur l'approche "contexte", et profiter du fait d'être stabilisée chimiquement pour m'occuper de moi: recommencer à manger, à dormir, à faire des activités qui me font du bien, rencontrer des gens, trouver un taf qui me fait kiffer.... Mais aussi chercher un professionnel qui peut m'aider à prendre du recul sur mon parcours, comment, pourquoi, etc.

Et je constate que, lorsque j'en ressens le besoin, un contexte personnel favorable rend une baisse de méthadone plus simple que lorsqu'une baisse de dosage est posée comme objectif.

Parallèlement à tout ça, j'ai eu la chance d'arriver dans un CSAPA assez "militant", pour y être d'abord suivie, puis embauchée. Grosse prise de conscience autour de la RdR et la stigmatisation des PUD.

Ce qui est "drôle", c'est que j'étais dans un moment de ma vie où je vivais de nouveau assez mal d'avoir dû remonter mon dosage de métha après plusieurs épreuves, et l'idée d'un traitement à vie m'angoissait. Mais ce nouveau contexte a fait évoluer ma posture, et quelques mois plus tard j'étais en paix avec l'idée que j'aurais peut-être ma métha à vie.
Et tout à coup, dans les semaines qui ont suivi, je ne ressentais plus le besoin de prendre ma gélule de 20 en plus de ma gélule de 40. Comme ça.

Depuis j'ai ré-augmenté pour ajuster après une nouvelle épreuve. Je l'ai très bien vécu. Peut-être qu'à un moment je re-baisserai. Ou pas. En vrai, aujourd'hui, cette question est très loin de mon essentiel, et je m'en porte bien mieux.

Je te souhaite le meilleur dans ton parcours de rétablissement!