Opiacés et Parentalité

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Opalina non binaire
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Inscrit le 21 May 2023
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Bonjour,
Je suis une jeune maman d'un enfant de 6 mois avec une dépendance à la morphine LP suite à une prescription pour une maladie chronique (en voie orale, je le précise, sans jamais l'avoir pris autrement).

J'ai déjà publié sur ce forum auparavant mais la situation ayant beaucoup évolué, je trouve intéressant de faire un bilan de ma situation et de mon parcours, pas pour me plaindre ou parler de moi mais pour les autres mamans qui sont/seront dans le même cas compliqué que moi :

Je souffre de douleurs chroniques depuis plusieurs années maintenant, en étant passée par plusieurs antalgiques prescrits pour tenter de les soulager (Tramadol, Acupan, Codéine, Izalgi, Oxynormoro...) : aucun d'eux ne fonctionne et on finit par me prescrire du Skenan.
C'est efficace et tout se passe bien jusqu'au jour où mon médecin s'en va sans s'assurer qu'un autre prendra le relais : les autres médecins ne veulent pas en prescrire et je dois passer par d'autres moyens et poursuivre le traitement en me le faisant fournir par quelqu'un (par chance, la personne est réellement adorable et de confiance).

Je finis par voir avec le temps ça m'apporte plus de problèmes que prévu et que ça ne fait qu'estomper les symptômes mais sans traiter le problème à la racine (un peu comme mettre du shampoing bourré de silicone sur des cheveux abîmés ou un papier peint sur un mur troué). J'ai voulu arrêter et j'ai commencé à me retrouver dans un cercle sans fin : j'ai du mal à avoir un suivi, les médecins me redirigent vers les CSAPA, ces CSAPA me redirigent vers des addictologues, et ces addictologues me redirigent vers les médecins. (Qui plus est, le fait que ce soit un traitement pour des douleurs qui doivent être soulagées, que les TSO avec une action antalgique bien plus faibles me feraient avoir mal de nouveau, et que j'ai toujours eu du mal à tolérer les opioïdes synthétiques n'aide pas vraiment à accepter un suivi adapté)

On me conseille à ce moment-là de passer par des centres de la douleur et des équipes spécialisées dans des douleurs chroniques de ce type pour pouvoir traiter le problème à la racine, ce que je tente de faire malgré le peu de structures et de disponibilités.
C'est là que je découvre, un peu tardivement, que je suis enceinte d'un petit garçon depuis plusieurs mois déjà : je vis chez ma famille qui me maltraite, le papa est à Marseille et je ne peux pas le rejoindre en partie à cause du Skenan.

Au vu de l'urgence de la situation, effrayée à l'idée que mon bébé naisse dépendant et souffre de sevrage néonatal, je commence à me renseigner sur les moyens d'arrêter ou diminuer la morphine malgré ma situation atypique et je cherche à nouveau un suivi addictologique en insistant bien sur l'urgence de la situation. Je me mets alors à entendre à plusieurs reprises "Rappelez le mois prochain" ou "On parlera de ce cas à la prochaine réunion, on vous rappellera", mais je n'ai à chaque fois aucune nouvelle par la suite.


Les quelques centres qui daignent m'écouter me reparlent de la méthadone et du Subutex, prétendant que la morphine/Skenan n'a pas le droit d'être prescrite ou que "C'est que pour les gens qui se l'injectent au bout d'une dizaine d'années d'échecs". Pour le problème de douleurs chroniques qui reviendront avec un TSO, on me conseille de coupler les antalgiques avec du Suboxone ou du Subutex (Traduction : "continuer d'en prendre mais en rajoutant un combo agoniste-antagoniste qui provoque un manque si on prend quelque chose à-côté"). J'explique alors courtoisement qu'au-delà du fait que les TSO conventionnels sont toujours une solution peu applicable dans mon cas assez particulier, c'est d'autant plus compliqué en étant enceinte. Je m'appuie sur le fait que la méthadone était pendant longtemps le seul TSO recommandé et généralement utilisé en cas de grossesse, sur l'impact du Subutex et du Suboxone chez le fœtus et sur le fait que la méthadone impacte également le développement du fœtus, là où les effets de la morphine sur l'enfant sont moindres.

Malgré tout, plusieurs personnes ne m'ont pas crue ou prise au sérieux, et ce malgré les études et/ou recherches universitaires en ma possession qui, même si leur nombre et les échantillonnages ne sont pas énormes, existent bel et bien. J'ai même entendu que si je mentionnais ces études/recherches et voulais un parcours adapté à mes contre-indications, et ce n'était pas dans l'intérêt de mon bébé ou même tout simplement dans mon intérêt pour entamer un sevrage sans subir à nouveau des douleurs intenses ou vomir le traitement, mais juste parce que je veux à tout prix de la morphine et cherche des excuses parce qu'on va pas dans mon sens.
Au total, après plusieurs mois de discussions et échanges auprès de plusieurs CSAPA, je n'ai eu que 3 "rendez-vous" : l'un a été convenu avec quelqu'un de mon entourage instable dans mon dos et je n'ai appris son existence, l'autre a dû être annulé par moi-même 2 jours avant à cause de la grêve des transports sans avoir été rappelé pour fixer une autre date, et le dernier était dans un immeuble au sein d'une résidence sans avoir jamais eu les codes d'accès pour entrer ou reproposer de rendez-vous.
Je n'ai donc pas eu de suivi correct et une certaine découverte liée à un de ces centres a fait que j'ai été totalement dégoûtée de ces CSAPA en cessant de les croire ou leur faire confiance.

J'ai voulu cependant accorder une toute dernière chance aux CSAPA pour 3 raisons : j'angoisse et veux que mon bébé souffre le moins possible, les médecins me suivant durant ma grossesse ne me proposent rien à part un service addictologique hospitalier qui n'a je cite "pas de médecin ni d'infirmier ni psy mais ils ont des activités de groupe", et un proche m'a conseillé un centre qui a de l'expérience dans les cas de futures mamans dépendantes et travaille en coordination avec un service maternité/gynécologie : à ma grande surprise, j'ai ENFIN un rendez-vous très rapidement et tout se passe très bien, mais on m'explique vite qu'il est mieux d'être dans un centre plus proche de mon secteur pour avoir un meilleur suivi.

On transfère alors mon dossier dans un centre à proximité et j'ai un rendez-vous 2 semaines plus tard en passant immédiatement par la case "médecin" au vu de la situation : je rencontre alors mon addictologue, un homme assez âgé plus qu'expérimenté et très à l'écoute, qui comprend ma situation.
Il m'explique alors pourquoi la prescription de Skenan est un sujet assez tabou, que ma dépendance est une pathologie hyatrogène (infligée par un médecin en voulant traiter un problème) et me qualifie de personne brillante ayant beaucoup de recul et de patience sur mon cas : il me prescrit du Skenan pour la durée de la grossesse en me conseillant de tenter de consulter un spécialiste et un centre de la douleur dès que je me remets de l'accouchement. Une véritable lumière dans cette période où je me sentais seule contre tous.

Je perds les eaux en pleine nuit peu après, un peu plus d'un mois avant le terme, en frôlant de très près la naissance prématurée : pendant les 2h15 de travail, on m'a demandé si je voulais allaiter mon enfant, j'ai répondu à 3 reprises que je le voulais bien évidemment, mais que je ne peux pas le faire dans ma situation. On m'a alors répondu la dernière fois "Oui mais vous le voulez ? C'est important pour l'enfant et pour le sevrage vous inquiétez pas, le faire via le lait contre sa mère ça marchera que n'importe quel médicament".  J'accouche finalement à 9h34 d'un petit garçon un peu maigre, mais en bonne santé.

Mon bébé a, comme je le craignais, commencé à avoir des symptômes de sevrage le 3ème jour et a été transféré en néonatalogie. Ayant l'impression d'être une mère perfide et culpabilisant énormément de voir mon enfant dans un tel état à cause de ma maladie et de ma façon de la traiter, j'avais énormément de mal à passer du temps avec lui car j'étais convaincue que chaque minute avec moi  ne lui ferait qu'encore plus de mal.
Ça ne s'est pas arrangé quelques jours plus tard quand la pédiatre m'a annoncé qu'elle lui a prescrit de la morphine orale/Oromorph depuis peu et qu'on arrêtait donc l'allaitement immédiatement pour ne pas risquer de surdosage (et ce malgré les appels et la colère de mon addictologue qui a rappelé au service que s'il n'était question que d'effet doublon et de surdosage, c'était l'Oromorph qui vient d'être prescrit qu'il fallait arrêter et non pas l'allaitement qui est là depuis le début après avoir insisté pour que je le fasse). Ça m'a enlevé un autre des rares moments "normaux" et de tissages de liens bébé-maman que je pouvais avoir et ça m'a porté un grand coup au moral.

Pendant ce temps, on me parle d'unités mère-enfant en addictologie et on en contacte plusieurs mais il faut être sevré à 100% pour y entrer (comme disait mon addictologue, le paradoxe "être soigné pour pouvoir être soigné"). On se met à accélérer autant le sevrage en divisant mon dosage par 3, puis en diminuant encore un petit peu 3 jours après : on constate que c'est allé trop vite et trop fort pour moi, surtout en période de post-partum, et il faut remonter un peu le dosage.
J'ai des visites régulières des professionnels qui m'ont suivi pendant ma grossesse et d'une assistante sociale, qui n'ont pas l'air de vouloir me soutenir ou m'écouter : je commence à comprendre que quelque chose cloche, qu'on va sûrement me signaler aux services sociaux et qu'ils cherchent sûrement de quoi étoffer leur rapport contre moi, malgré le fait qu'ils nient tous en bloc.


Comme je le craignais depuis des mois, les services sociaux ont été informés de mon cas le jour de ma sortie, mais à ma plus grande surprise, ce n'est pas la dépendance qui pose problème : le rapport évoque des choses qui sont évidemment vraies (grossesse découverte tardivement et accouchement précoce, difficultés dans la relation avec mon fils, le papa dans une autre région, grande anxiété, entourage toxique), d'autres sont fausses ou sorties de leur contexte (des soi-disant violences conjugales que j'avais formellement démenties, le fait de mettre de la musique pour apaiser mon bébé déformé et transformé en "joue avec son téléphone au lieu de s'en occuper", un "manque d'hygiène" parce qu'on ne voulait pas me redonner des serviettes et robes de chambre malgré mes fuites abondantes, un prétendu "trouble" diagnostiqué en seulement 1 semaine sans aucun nom ou détail alors que j'avais déjà été suivie durant 5 ans et diagnostiquée "HPI" par l'ex-psychiatre en chef de ce même hôpital...). Mais sur les 10 pages, la dépendance à la morphine de moi et mon enfant n'est indiquée que sur une page, seulement.

Ça se confirme le jour de l'audience au tribunal où la juge des enfants balaie l'histoire du sevrage d'un revers de la main dès le moment où elle lit le courrier de mon addictologue attestant de mon suivi : elle nous explique que ces inquiétudes initiales concernaient d'abord les violences conjugales et les supposés "troubles" et que, maintenant qu'elle a tous les éléments en main, elle se préoccupe de la situation précaire de notre couple aggravée par la grossesse imprévue et soudaine, la violence de mes parents, et par nos fragilités communes.
Notre enfant est placé en famille d'accueil avec des droits de sorties réguliers puis d'hébergement réguliers quelques mois plus tard, le temps d'établir correctement le projet de couple et construire un bon foyer pour notre enfant en réglant nos difficultés.

Or, dès le signalement aux services sociaux, j'ai été totalement délaissée en termes de soins : il y a eu une réunion interprofessionnelle suite à ma sortie à la demande de mon addictologue avec les professionnels de l'hôpital qui ont défendu leur version déformées et ont proposé un séjour en addictologie sans avoir jamais donné de suite, et on a cessé totalement de me contacter après que mon fils ait quitté l'hôpital peu après.

On a continué de diminuer les dosages avec mon addictologue, mais les douleurs chroniques ayant empiré pour une raison toujours inexpliquée, il a fallu augmenter le dosage de nouveau et en arrivant dans la région de mon conjoint, pas de médecin ou de centre acceptant de prolonger la prescription : retour à la case départ, je dois pour l'instant faire des aller-retour entre les 2 régions...
J'ai perdu confiance envers les équipes médicales suite à cette période et ces événements, mais j'ai malgré tout, en plus du suivi psychologique et de puériculture pour faire un travail sur la parentalité, enfin un suivi dans un centre de la douleur qui me suit pour espérer trouver une solution plus concrète et me débarrasser des antalgiques pour de bon : pour le moment, cela patauge

Aujourd'hui, bien que je sais que cette épreuve aura un impact sur ma famille le restant de notre vie, j'ose espérer qu'on en sortira plus fort, que mon enfant ne m'en voudra pas et que je pourrais, d'ici la prochaine réévaluation, retrouver un suivi dans ma nouvelle ville sans subir un 2ème calvaire et l'avoir pour de bon définitivement à la maison sans plus jamais penser que je suis la pire mère au monde.

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marycora femme
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Bonjour,

En temps que maman, ton post me touche.

Tout d'abord, tu as très bien agi, tu as vraiment fait tout ce que tu pouvais faire pour ton futur enfant. Le CSPA était une excellente solution. Tu n'as réellement rien à te reprocher. Ancre toi ça dans le crâne.

Opalina a écrit

Il m'explique alors pourquoi la prescription de Skenan est un sujet assez tabou, que ma dépendance est une pathologie hyatrogène (infligée par un médecin en voulant traiter un problème) et me qualifie de personne brillante ayant beaucoup de recul et de patience sur mon cas : il me prescrit du Skenan pour la durée de la grossesse en me conseillant de tenter de consulter un spécialiste et un centre de la douleur dès que je me remets de l'accouchement. Une véritable lumière dans cette période où je me sentais seule contre tous.

Et oui, parfois on tombe sur LA bonne personne et dans ton cas, j'imagine bien que ça a dû t'apporter un peu de soulagement. Même si la plupart des traitements contre la douleurs et les maux de l'âme ont des effets iatrogènes, la plupart des médecins prescrivent à tire-larigot puis s'en lavent les mains ensuite. Ils y a tellement de cas de personnes lambdas qui ne seraient jamais tombées dans l'addiction sans ces prescriptions ! Je pense qu'il n'y a pas assez de mise en garde et ça devient une catastrophe. Je connais tellement de proches qui m'ont catalogué toxico alors qu'eux le sont autant que moi ...


Opalina a écrit

Aujourd'hui, bien que je sais que cette épreuve aura un impact sur ma famille le restant de notre vie, j'ose espérer qu'on en sortira plus fort, que mon enfant ne m'en voudra pas et que je pourrais, d'ici la prochaine réévaluation, retrouver un suivi dans ma nouvelle ville sans subir un 2ème calvaire et l'avoir pour de bon définitivement à la maison sans plus jamais penser que je suis la pire mère au monde.

C'est bien sûr ce que je te souhaite du plus profond du cœur.
Comment veux tu que ton enfant t'en veuille ? Quand il sera en âge de comprendre, il saura faire la part des choses et tout ce que tu as fait durant cette grossesse est juste la preuve que tu es une bonne mère ! Beaucoup aurait baissé les bras !

Et puis, un jour à la fois ! Pour l'instant concentres toi ! Profites des instants passés avec ton fils aussi.

Tu peux aussi exploiter d'autres pistes en parallèle de la médecine traditionnelle. Connais-tu la kinesiothérapie ? Tu peux aussi essayer le EMDR (non ça veut pas dire Etre Mort De Rire smile) renseignes toi sur Google...

Essaie de te ressourcer aussi, si tu peux, en te baladant dans des endroits sympas (forêts, lac etc..) moi, ça m'aide énormément. Le mouvement de balancement du corps lors de la marche s'apparente un peu, aux mouvements des yeux devant un métronome ou le doigt du médecin quand tu fais des séances d'EMDR, ton cerveau digère des informations, bon c'est pas magique mais ça aide. Perso, j'ai marché durant 800 kms en 40 jours et je suis revenue métamorphosée, mais comme tout ce que j'entreprends, j'avoue c'était un peu too much smile. L'hypnose aussi peut être une aide.

En résumé, positive ! Tu as un magnifique petit bout qui t'aime, sois en sûre, inconditionnellement. Même si votre relation commence pas de façon idéale, elle existe et elle est belle.

Prends bien soin de toi, et donne des nouvelles !


La came n'est pas, comme l'alcool ou l'herbe, un moyen de jouir davantage de la vie. La came n'est pas un plaisir, c'est un mode de vie. (W.S. Burroughs)

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