Comment faire bouger les lignes

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mikykeupon homme
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Une commission internationale a présenté hier des alternatives à  la lutte antidrogues jusqu´ici presque exclusivement répressive.

Mettre fin à  la «guerre contre la drogue» et ouvrir un débat mondial sur les alternatives. C´est le message lancé haut et fort, hier à  New York, par la Global Commission on Drug Policy. Fernando Henrique Cardoso, l´ex-chef d´Etat brésilien qui présidait la Commission, a expliqué : «La réalité est que la guerre contre la drogue est un échec. La corruption est en hausse, le trafic est en hausse, la consommation de drogue est en hausse. Il faut changer notre façon de voir les choses.»

L´appel est le premier à  être soutenu par de nombreux anciens chefs d´Etat, et par l´ex-secrétaire général de l´ONU, Kofi Annan. Dans son rapport (à  lire ici en anglais ou en espagnol), la Global Commission recommande notamment de remplacer l´approche répressive vis-à -vis des consommateurs par une approche «tournée vers la santé». Surtout, elle se prononce en faveur de «l´expérimentation par les gouvernements de différents modèles destinés à  la régulation légale des drogues, le cannabis par exemple». Le rapport ne va pas jusqu´à  prôner une légalisation générale, mais parle de «dépénalisation».

Qu´est-ce que cette commission mondiale ?

Fondée fin 2010, la Global Commission on Drug Policy a réuni plusieurs ex-présidents sud-américains, et des personnalités telles Louise Arbour, ex-procureure du tribunal de La Haye. Hier, l´ancien président colombien César Gaviria a évoqué son expérience : «Je tiens à  parler de la violence qui existe en Amérique latine à  cause du trafic de drogue. La Colombie n´a pas été capable d´arrêter le flux de drogues en direction du marché américain. Et ce qu´a fait l´Amérique jusque-là  n´a pas marché non plus. Bien au contraire. Il faut que les Etats-Unis se rendent à  l´évidence.» Washington est le principal obstacle à  l´évolution des politiques mondiales. Avant la conférence de presse, une vidéo a montré George Bush père promettant de punir «tous ceux qui utiliseront de la drogue».«Nous voulons que l´Amérique enclenche le débat, a insisté César Gaviria. Entre l´interdiction et la légalisation, il reste nombre de pistes à  explorer. Pourquoi emprisonner automatiquement une personne qui fume du cannabis alors que les prisons sont engorgées ? On peut commencer par proposer des traitements à  ceux qui en ont vraiment besoin, puis réfléchir à  une façon plus humaine et plus efficace pour tenter de régler le problème.»

Ne semblant pas sur la même ligne, la Maison Blanche a estimé que le rapport de la Global Commission «était mal informé et allait dans la mauvaise direction». Le Mexique, où l´on comptabilise depuis décembre 2006 37 000 morts dus à  la guerre entre narcotrafiquants, a également dit niet : «La légalisation ne met pas un terme à  la délinquance organisée, ni à  ses rivalités ni à  la violence», a affirmé le Conseil mexicain de sécurité national.

La Commission doit présenter aujourd´hui son rapport au secrétaire général de l´ONU, Ban Ki-moon. Ainsi qu´une pétition internationale réclamant «la fin de la guerre contre la drogue» et signée par 544 991 personnes.«Il faut considérer ce jour comme un jour historique, a assuré Richard Branson, patron de Virgin et membre de la Commission, celui où l´on a commencé à  ouvrir un débat sur la drogue qui doit nous mener à  un monde plus sain et plus pacifique.»

Que propose le rapport ?

«Brisez le tabou, affirme la Commission. Il est temps d´agir.» Car «les mesures répressives […] ont échoué à  faire baisser l´offre ou la demande». La «guerre» dure depuis quarante ans, mais les drogues illégales sont toujours aussi disponibles et les consommateurs aussi nombreux. On a arrêté et incarcéré «des dizaines de millions de personnes» depuis les années 70, ce qui a rempli les prisons et détruit des familles, «sans réduire l´offre […] ou la puissance des organisations criminelles». Elle constate : «Il n´y a apparemment pas de limite au nombre de gens qui veulent s´engager dans ces activités […] pour échapper à  la pauvreté.» En clair : démantelez un réseau, un autre le remplacera. La guerre antidrogues est un puits sans fond pour l´argent public.

Comment évoluer ?

Le rapport pousse aux expérimentations, comme organiser un marché régulé du cannabis - à  l´image de ce qui se fait partiellement aux Pays-Bas - ou développer la distribution médicalisée d´héroïne - en Suisse, ce programme a entraîné une baisse de la consommation et de la délinquance. Pour la Commission, la communauté internationale doit donc «soutenir et faciliter» ces voies.

Même si la création de marchés légaux «n´est pas le seul moyen de combattre la puissance des trafiquants», il faut privilégier le pragmatisme, se baser sur des faits «scientifiques», sortir des idéologies. Ceux qui, il y a quarante ans, pensaient qu´en intensifiant la répression, le marché se réduirait, se sont trompés. Pourtant, certains Etats comme la France persistent : malgré les preuves de l´échec, les responsables nationaux préfèrent «éviter le débat», déplore la Commission pour qui il faut cesser de parler de «guerre à  gagner» et arrêter de mesurer le succès d´une politique au nombre d´arrestations et de saisies. Elle préconise de «mettre fin à  la stigmatisation des personnes consommant des drogues qui ne causent aucun dommage aux autres». En jeu : une approche «plus humaine» où les personnes dépendantes deviennent des «patients», et non plus des délinquants. De plus, les initiatives de dépénalisation «n´aboutissent pas à  une augmentation significative de la consommation de drogues». C´est le cas au Portugal (lire ci-contre) et aux Pays-Bas.

Enfin, un peu d´honnêteté est demandée : les politiques doivent «avoir le courage de déclarer publiquement ce que beaucoup reconnaissent en privé : que les stratégies répressives ne règlent pas le problème et que la guerre à  la drogue n´a pas été gagnée, et qu´elle ne peut pas être gagnée». Il faut agir, et vite : «Chaque année où l´on poursuit l´approche actuelle, des milliards de dollars sont gâchés pour des programmes inefficaces, des millions de citoyens sont envoyés en prison sans nécessité.»

Source : http://www.liberation.fr/societe/010123 … les-lignes

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