Cannabis : la France en retard dans la prévention

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pierre
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Cannabis : la France en retard dans la prévention
LE MONDE | 27.04.2015 à  11h11 |
Par François Béguin et Laetitia Clavreul

47,8 % des jeunes de 17 ans ont consommé du cannabis au moins une fois dans leur vie (OFDT).
Pour empêcher – ou du moins limiter – la consommation de cannabis chez les adolescents, la France a-t-elle fait les bons choix ? La question est posée alors qu’après dix ans de stabilisation à  un niveau élevé, les mauvais chiffres publiés mardi 21 avril par l’Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT) montrent que l’usage de cannabis chez les adolescents est reparti à  la hausse. Avec un jeune de 17 ans sur deux ayant déjà  expérimenté le cannabis, et près d’un sur dix qui fume régulièrement des joints, le plan contre les conduites addictives annoncé fin 2013 par le gouvernement pourrait ne pas être suffisant. Plusieurs experts estiment aujourd’hui que de nouvelles pistes devraient être discutées.


« Face à  ces chiffres, que faire ? », a réagi dans un communiqué la Fédération Addiction, qui regroupe des professionnels de la prévention et de la réduction des risques. Elle y fait le constat de « l’échec d’une politique portée depuis des années qui, en France plus qu’ailleurs, a privilégié une réponse binaire – la pénalisation et le soin –, alors que la majorité de ces jeunes ne sont ni des malades, ni des délinquants ». Elle estime qu’en se posant uniquement la question de la maladie, et non pas celle de l’usage, l’on passe à  côté de la majeure partie des consommateurs.

« Autant à  un moment les risques étaient banalisés, autant, ces dernières années, dans les médias et du côté des pouvoirs publics, il a beaucoup été question des dangers (au volant, pour la santé mentale…), mais c’est un discours que n’entendent pas les jeunes, les chiffres le montrent, explique Jean-Pierre Couteron, psychologue et président de cette fédération. On les menace de prison et de schizophrénie, mais ça ne marche pas ». Il estime qu’il faut davantage se demander « pourquoi les jeunes vont vers le cannabis, et à  quoi ça leur sert ».

Sociologue française en poste à  l’université de Fribourg (Suisse), Sophie Le Garrec se montre elle aussi critique. « Que le gouvernement soit de gauche ou de droite, les politiques de santé publique s’y prennent mal en France. » Pour elle, il faudrait « sortir la prévention du milieu médical ». La chercheuse note « un énorme problème de discours », « médicalisé, psychologisant et moralisant » qui peut s’avérer contre-productif.

Elle estime qu’il y a en France un déficit d’études qualitatives sur les consommateurs : « L’énoncé de chiffres, c’est important, mais ça ne permet pas d’expliquer le sens des consommations. Pourtant il serait temps de savoir », juge-t-elle, rappelant la pression qui pèse sur les adolescents dans une société hantée par le chômage. L’OFDT vient justement de lancer une étude sur la construction des habitudes de consommation chez les jeunes. Une typologie des consommateurs devrait aussi être définie. « C’est un point aveugle des connaissances actuelles, reconnaît François Beck, le directeur de l’Observatoire. L’étude permettra également d’élaborer des hypothèses quant aux facteurs de réussite des stratégies de prévention. »

Intervention précoce

Le retard concernerait également la mise en place et la diffusion de dispositifs qui ont fait leurs preuves à  l’étranger, selon la Fédération Addiction. Celle-ci réclame une accélération du développement d’outils comme le Strengthening Families Program (SFP), déployé dans 22 pays, qui vise à  renforcer les compétences des familles sur la question du cannabis. Même chose avec les dispositifs dits d’intervention précoce qui visent à  entrer plus tôt en contact avec les consommateurs, avant qu’ils en soient arrivés à  consulter un addictologue.

« Même si cela se fait de moins en moins, quelqu’un qui vient dans une classe avec une mallette et dit “le cannabis, c’est dangereux”, c’est contre-productif. Il faut une prévention sur le long cours, avec des intermédiaires formés sur le terrain », explique Olivier Phan, addictologue à  la Croix-Rouge et à  la Fondation Santé des étudiants de France. Pour réduire la consommation chez les adolescents, des experts recommandent que les adultes en contact avec les ados, tout comme les médecins généralistes et les psychologues pour adolescents, soient davantage formés en addictologie.

« Une politique faite par des adultes avec des yeux d’adultes n’est pas audible pour des adolescents », résume Michel Reynaud, président du fonds Actions Addictions, qui rassemble des associations de patients, de familles et de chercheurs. Pour lui, « la politique des quinze dernières années a fait la preuve de son inefficacité ». Ce médecin prône donc, comme d’autres, une « révision » de la loi de 1970 sur les stupéfiants, soit par la contraventionnalisation de l’usage du cannabis, soit par la régulation par l’Etat, « qui pourrait avoir une action conjointe sur l’ensemble des comportements problématiques ». Une réflexion que refusent d’engager les responsables politiques, de droite comme de gauche.

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prescripteur homme
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11142 messages
Bonjour,
En addictologie on insiste sur la necessité de ne pas voir que les effets négatifs des produits mais aussi les effets positifs, quels qu'ils soient, et l'utilité de comparer les uns aux autres.
Je dirais qu'en politique c'est un peu la même chose. On vient de décrire les effets négatifs de la politique française des drogues mais quels en sont les "avantages" pour les politiques. Après tout, on peut se dire que nos politiques ne prennent pas forcément plaisir à  se montrer ringards et totalement inefficaces, voire même à  encourager activement la consommation. (ce n'est pas moi qui le dit mais la comparaison avec les politiques des autres pays et l'avis de la plupart des experts.
Je crois que la réponse tient surtout à  la grande tradition française de "lutte contre les classes dangereuses".
Pour nos politiques le cannabis est lié à  la marginalité, à  la désobeissance civile et à  la "liberté". En plus les consommateurs sont souvent jeunes et parfois "étrangers". Autant de raison de cultiver un discours qui apparaisse comme "responsable" vis à  vis d'une certaine catégorie d'électeurs.
Le problème c'est que,si les "classes dangereuses" représentent 45% de la jeunesse, il y a du souci à  se faire.
En l'espèce la "lutte contre les classes dangereuses" pourrait être une manière de se tirer une balle dans le pied.
Mais, comme aux USA, la lutte contre la drogue permet encore, en pratique,  une oppression différentielle de certaines populations (largement influencée par le racisme) . Par exemple aux USA on a montré qu'à  consommation égale un noir a presque 2 fois plus de risque de se faire verbaliser et condamner.
Certaines associations en France lancent d'ailleurs une action sur ce thème, qui a été présentée aux derniers EGUS.

Mais malheureusement, comme l'usager qui continue l'heroine le fait parce qu'il y trouve plus d'avantage que d'inconvénients, il semble malheureusement que nos politiques trouvent dans cette "lutte" suffisamment de bénéfices secondaires pour s'y accrocher, contre toutes les évidences scientifiques.
Amicalement
http://www.monde-diplomatique.fr/1998/07/WACQUANT/3835
http://www.monde-diplomatique.fr/2008/03/BONELLI/15662
http://www.cairn.info/zen.php?ID_ARTICLE=SOCIO_004_0517
http://www.lesenrages.antifa-net.fr/le- … ngereuses/
http://www.armee-media.com/2012/05/03/d … curitaire/

Dernière modification par prescripteur (27 avril 2015 à  18:37)


S'il n'y a pas de solution, il n'y a pas de problème. Devise Shadok (et stoicienne)

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Anonyme6408
Invité

En France, le discours institutionnel sur le cannabis se concentre uniquement sur des dangers (schizophrénie, dépendance, décrochage scolaire) que ne connaissent pas la grande majorité des consommateurs. L'interdit étant le seul message porté par des organismes comme l'INPES ou l'OFDT, il peine bien évidemment à  toucher les consommateurs.

Ensuite, il y a un décalage flagrant entre les discours sur l'alcool et ceux sur le cannabis. L'alcool est convivial, fait partie de notre culture, tandis que le cannabis serait un produit fortement addictogène aux conséquences néfastes sur la société. Je n'ai plus les chiffres en tête, mais il me semble que le pourcentage de dépendants à  l'une ou l'autre des substances suscitées représente une faible part du nombre total de consommateurs (inférieur à  5%).

Enfin, il y a un gouffre entre les discours politiques et les constats faits depuis les années 1970 par les médecins, addictologues, sociologues et travailleurs sociaux. Quand j'entends à  la radio (encore récemment) que les consommateurs d'héro et de cocaïne ont tous commencé par le cannabis, j'enrage parce que ces personnes ont bien souvent commencé avec l'alcool et le tabac, substances légales s'il en est. L'hypocrisie se retrouve bien entendu à  d'autres niveaux, comme lorsque sont pointés les risques sur les poumons dus au cannabis. La vaporisation est bien moins nocive et n'entraîne pas de consommation de tabac, mais se balader avec un vapo c'est la porte ouverte à  l'interpellation facile... Quant à  l'argument "ça engraisse les réseaux mafieux pédophiles islamo-nazis", il porte de moins en moins à  l'heure où une bonne partie du cannabis consommé en France est issue d'autoproduction, et pas forcément dans des caves de cité dirigées par des caïds au noms exotiques. Dernier exemple : on parle souvent dans les médias des risques liés à  la conduite sous l'emprise du cannabis. Or la grande majorité des accidents impliquant le THC implique également l'alcool. Le fait que le risque d'avoir un accident mortel sous l'emprise de l'alcool soit multiplié par 8 et de "seulement" 1,5 sous l'emprise du cannabis est complètement passé sous silence.

Bref, à  l'heure où presque 50% d'une classe d'âge a testé le cannabis sans terminer au fond du caniveau avec une seringue dans le bras, la prévention et la communication émanant de l'État semblent vraiment d'un autre âge et en décalage total avec les représentations que se font les consommateurs sur cette drogue.

En somme, rappeler les risques du cannabis me paraît important. Maintenant, il convient de les relativiser, de les comparer avec ceux des drogues légales et de faire en sorte que le politique s'empare sérieusement de toutes les recherches menées depuis de nombreuses années sur le sujet (quand je vois les rapports des commissions de l'AN sur le cannabis, j'ai l'impression de faire un voyage dans le passé sémantique). Le souci, c'est que cela obligerait sans doute le législateur à  revoir sa copie de la loi de 1970, chose à  peu près impensable à  l'heure actuelle.

 

Trippe ta mine homme
Psycho périodique
Inscrit le 07 Sep 2014
143 messages
On nous a tellement rabaché que le cannabis était le démon au collège/lycée, et quasiment rien sur l'alcool qui engendre pourtant dépendance physique et sevrage potentiellement mortel, risque d'overdose, neurotoxicité directe... Pour au final qu'on se rende compte nous-mêmes de la supercherie, nous les jeunes, mieux informés et expérimentés que les adultes moralisateurs censés nous éduquer!

L'un des véritables problèmes, c'est que si nos parents et aînés nous apprenaient à  ne pas consommer comme des brutes, plutôt que de diaboliser le produit dans sa totalité et éventuellement nous cacher leurs consommations passées; le mensonge détruisant la confiance... Eh bien le problème de santé publique se poserait sans doute moins, à  défaut d'être inexistant. Un des fondements de la société c'est l'apprentissage inter-générationnel, et si le gouvernement choisit de bloquer ça pour des raisons qui nous sont (et lui sont) obscures, comment évoluer?

Discovers the meaning of life.
FORGETS IT.

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Recklinghausen homme
Adhérent PsychoACTIF
Inscrit le 09 Mar 2015
6185 messages
Salut,

Noyer : Je te suis un peu dans ton raisonnement... Qu'on retrouve d'ailleurs chez pas mal de consommateurs de cette plante qui plait tant aux récepteurs CB1 et CB2 !

Tu fais ta petite démonstration pour que la plante que tu sembles tant apprécier soit légalisée... Et je pense que tu trouveras pas grand monde ici qui va aller dans le sens inverse de ta démonstration  wink

Je ne pense pas qu'il soit souhaitable d'établir une liste de bons produits et de mauvais ( comme tu sembles le sous entendre )... Et pourrais tu m'expliquer la phrase " tester le cannabis... Sans terminer au fond du caniveau avec une aiguille dans le bras " !!!!!
Tu as du te perdre dans tes limbes synaptiques là  mon pti !
T'as un problème avec la pompe ? Sache quand même qu'un injecteur n'est pas le sale tox qui va violer une vieille avant de lui tirer son sac pour se payer sa dose en finir en OD dans un caniveau !!!!!!!!!!

Je me sens pas supérieur parce que je m'injecte pas et il ne me viendrait pas à  l'idée de dénigrer mon pote qui aime que ça passe par le canal bleu. Il est libre de ses choix, il me semble !!

On croirait lire... Les discours des gens qui interdisent ton produit ( les prohibitionnistes wink  ) que tu sembles pourtant ne pas apprécier quand il s'agit de ton produit fétiche !

Et effectivement, les groupuscules " terroristes " ( on peut faire un débat de 10 ans entre le mot terroriste et le mot résistant ) se servent des produits illégaux pour financer leurs actions ( s'ils vont à  l'usine, ils sont pas sur de réussir à  réunir les fonds nécessaires pis pour les produits légaux, ben le marché est saturé ) !!

@ Trippe ta mine : T'as écouté la dernière chanson des restos du coeur et tu veux faire une évaluation des portés des paroles de Goldman ?
Bien sur, si je consomme trop et avec déraison... C'est forcément à  cause de mes parents !
La liberté de choix, le libre arbitre, le droit à  l'erreur... C'est des conneries de vieux cons !


L'évolution ? Faire changer les mentalités sur le jugement tant facile de l'autre ! Balayer devant sa porte avant de vouloir regarder la poutre dans le pif de son voisin !

Si on commençait doucement par de l'écoute et de la compréhension de l'autre... Sans porter de jugement moraux !

Portez vous bien et prenez soin de vous.

@ +


Reckling. ( un vieux con... presque... ou pas ! )

PS : Peace Noyer wink  J'me suis trouvé un peu dur dans mes propos après relecture sans pics hormonal wink  Mais je pense ma prause alors je préfère rajouter un petit PS que de modifier mon post ( et quelque part me fourvoyer ).

Dernière modification par Recklinghausen (30 avril 2015 à  13:07)


L'amour d'une famille, le centre autour duquel tout gravite et tout brille.

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