SCMR : avant et pendant le 24.10

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Alain Will homme
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Un "p'tit dernier pour la route" :

Salles de shoot: la polémique risque bien de repartir

© 20minutes.fr | 22.09.10 à  12h09 | JR

http://www.20minutes.fr/article/600202/ … n-repartir

«Le Figaro» a publié les conclusions d'un rapport d'une association d'élus de gauche et de droite favorable à  l'ouverture...

On n´a pas fini d´entendre parler des salles de shoot. Et pour cause: les conclusions du rapport de l´association Elus, Santé Publique & Territoire (ESPT), à  paraître vendredi, risquent fort de relancer le débat. Selon Le Figaro, qui s´est procuré les résultats, l´association est plutôt favorable à  l´ouverture des salles de consommation de drogue.

«Les salles de shoot constituent l´un des éléments de toute palette d´outils pour permettre la prévention, l´accès aux soins et la restriction du trafic de stupéfiants», estime le docteur Laurent El Ghozi, président d´ESPT, cité par le quotidien.

Visite des salles de Genève et Bilbao

Pendant plusieurs mois, les membres de l´association ont mené des auditions d´experts médicaux, sociaux et juridiques, avec le soutien de la ville de Paris et du conseil régional d´Ile-de-France.

Selon Le Figaro, «une vingtaine d´élus Verts, UMP, MoDem, Nouveau Centre, PS et PC de Paris, Marseille, Bordeaux, Le Havre, Saint-Denis, Annemasse et Nanterre ont ainsi visité les salles de shoot de Genève et Bilbao». Des lieux jugés «très encadrés et très sécurisés» pour Laurent El Ghozi.

Encore une forte opposition

Les défenseurs de ces salles «mettent en avant la prévention et l´accès aux soins, facilité pour les toxicomanes» ainsi que «la baisse de transmissions de maladie» comme le sida ou les hépatites.

Face à  eux, des voix continuent toutefois de s´élever. Le Figaro cite Philippe Goujon, maire UMP du 15e arrondissement: «Notre politique repose sur le sevrage et l´interdiction. Or, avec ces salles, on brise le tabou de l´interdit». Le député de Paris dit avoir discuté du sujet avec le préfet de police et le procureur de la République qui lui ont aussi fait part de leur hostilité.

«C´est un débat politique, au sens philosophique du terme, sur la notion d´interdit», estime pour sa part le Dr Xavier Laqueille, psychiatre et chef du service d´addictologie de Sainte-Anne.

J.R.

Il m'arrive de trouver que la vie est une horrible plaisanterie. F. Sagan.

Je vois dans la révolution la revanche du faible sur le fort. La liberté est un mot que j'ai longtemps chéri. Sade (Le marquis de)

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Alain Will homme
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Drogue : un rapport favorable à  l'expérimentation des salles d'injection

© maxisciences.com | 22.09.10 |

http://www.maxisciences.com/drogue/drog … t9311.html

France - Un rapport concernant les salles d'injection de drogue, à  paraître vendredi 24 septembre, serait largement favorable à  l'expérimentation en France de ces endroits autrement appelés "salles de shoot".

Le sujet fait largement débat, en France comme en Europe. Les salles d'injection de drogue proposent aux usagers un endroit calme où se piquer, un matériel stérile et une surveillance médicale. A priori, l'idée est saine, si ce n'est que certains voient en ces lieux un encouragement à  la consommation de drogue. Et si Le Monde rappelle que François Fillon ne s'était pas prononcé en faveur de ces salles d'injection, plusieurs élus et membres d'associations ont choisi de mener une enquête et de fournir un rapport sur le sujet.

Ce dernier, s'il ne devrait être publié que vendredi, est en partie diffusé par le Figaro.fr, et conclut, après étude de ces salles et interview de spécialistes de la santé, que "les salles de shoot constituent l'un des éléments de toute une palette d'outils pour permettre la prévention, l'accès aux soins et la restriction du trafic de stupéfiants". Et le président de l'association "Élus, santé publique et territoire" d'expliquer : "J'ai trouvé ces lieux très encadrés et très sécurisés tant sur le plan sanitaire que pour les citoyens qui vivent autour. On est loin de la zone de non-droit." Reste à  savoir si ces salles seront prochainement ou non adoptées dans notre pays.

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Alain Will homme
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Et cité plus haut en lien, pour info et archive, ce qu'en dit "Le Figaro" (les conclusions relancent la controverse) :

Salles de shoot : un rapport prône l'expérimentation

© LeFigaro.fr | Laurent El Ghozi, Philippe Goujon | Par Anne Jouan | 21.09.2010 | Mise à  jour : 19:24

http://www.lefigaro.fr/actualite-france … tation.php

Le débat récent sur l'opportunité ou non d'ouvrir, à  titre expérimental, des salles de consommation de drogues ne va pas manquer d'être relancé dans les prochains jours. Vendredi, l'association Élus, Santé Publique & Territoires (ESPT) va remettre les résultats de son rapport sur le sujet. Et ses conclusions sont plutôt favorables à  l'ouverture de telles structures.

«Les salles de shoot constituent l'un des éléments de toute une palette d'outils pour permettre la prévention, l'accès aux soins et la restriction du trafic de stupéfiants», estime le président d'ESPT, le Dr Laurent El Ghozi, maire-adjoint (PS) à  Nanterre. Pendant plusieurs mois, son association a mené, avec le soutien de la ville de Paris et du Conseil Régional d'Île de France des auditions d'experts médicaux, socios et juridiques. Une vingtaine d'élus Verts, UMP, Modem, Nouveau Centre, PS et PC de Paris, Marseille, Bordeaux, Le Havre, Saint-Denis, et Annemasse Nanterre ont ainsi visité les salles de shoot de Genève et Bilbao. «J'ai trouvé ces lieux très encadrés et très sécurisés tant sur le plan sanitaire que pour les citoyens qui vivent autour. On est loin de la zone de non droit», relève Laurent El Ghozi.

Les défenseurs des salles de shoot mettent en avant la prévention et l'accès aux soins pour les toxicomanes, facilités, selon eux dans ces lieux. «Car il ne suffit pas que les feux soient rouges pour que les voitures s'arrêtent, résume encore Laurent El Ghozi. Il est préférable que les usagers de drogues se piquent dans les moins mauvaises conditions possibles». L'autre argument, fréquemment avancé, concerne la baisse de transmissions de maladies telle que le sida ou les hépatites. Or ce point fait débat.

«Aujourd'hui, la transmission du sida via les injections est rare», affirme le Dr Xavier Laqueille, psychiatre et chef du service d'addictologie de Sainte-Anne (Paris). Selon lui, l'ouverture de salles de consommation se justifie dans des zones où les toxicomanes se droguent dans des lieux publics de grande ampleur. «Mais ce n'est pas du tout le cas en France, explique-t-il. Chez nous, l'accès aux soins est important puisque 150.000 héronoïnomanes sont en contact avec les systèmes de soins via les traitements de substitution». Il trouve que le système actuel pèche essentiellement par un manque de structures hospitalières. En matière de santé publique, la priorité devrait être la création de lits spécialisés en addictologie. Pour ce spécialiste, on éviterait ainsi d'envoyer les toxicomanes en psychiatrie ou en prison. Une salle de shoot coûte plus d'un million d'euros par an.

Du côté des opposants politiques à  l'expérimentation, Philippe Goujon, maire (UMP) du XVe arrondissement et député de Paris. «Entre la loi de 1970 qui interdit l'usage de stupéfiants et l'ouverture par l'Etat de salles de consommation de drogues, on est en pleine schizophrénie ! Notre politique repose sur le sevrage et l'interdiction. Or avec ces salles, on brise le tabou de l'interdit», juge-t-il. Le député avoue avoir discuté du sujet avec le préfet de police de Paris et le Procureur de la République. Tous deux lui ont fait part de leur hostilité et le second a même estimé que de telles salles pouvaient être assimilées à  de l'incitation à  la consommation de stupéfiants.

Comment justifier juridiquement la mise en place de structures autorisant de fait un produit, alors que partout ailleurs, cette même substance est illicite ? L'ouverture de salles de shoot nécessite en effet que les forces de l'ordre ferment les yeux dans un périmètre bien défini aux alentours. Mais dans ce cas, pourquoi ne pas se prononcer en faveur d'une légalisation ou d'une dépénalisation ? Les défenseurs des salles de shoot jurent qu'il n'y a aucun rapport entre prôner l'ouverture de tels endroits et réclamer la dépénalisation. Pourtant reconnaît Laurent El Ghozi, cette dernière serait en fait une question «de bon sens».

«L'interdiction de consommation de drogue est un facteur puissant de dissuasion ! estime Philippe Goujon. Si on dépénalise, les jeunes se diront pourquoi pas moi puisque c'est légal ?». Selon lui, on ne peut pas mettre sur le même plan les salles de shoot et la distribution de seringues gratuites (Michèle Barzach, alors ministre de la Santé, les autorise en 1987), aujourd'hui largement répandue. Les deux ne seraient pas comparables. «Avec les seringues, on est à  la limite. Si on va plus loin, on change de système», lance Philippe Goujon.

«C'est un débat politique, au sens philosophique du terme, sur la notion de l'interdit, relève le Dr Laqueille. Il faut comprendre que l'interdiction de la consommation de drogues se situe au-delà  de la loi. Et nos patients même les plus dépendants le savent bien. S'il ne «faut» pas se droguer, ce n'est pas parce que c'est pénalement répréhensible mais parce que c'est mauvais pour eux».

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Alain Will homme
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Outre le fait de vous renvoyer à  la dernière newsletter d'ASUD et du collectif SCMR comportant de nombreux liens (déjà  publiés sur le forum pour certains) :

Sur liberation.fr : http://www.liberation.fr/tchats,25

Tchat "Libération"

En direct demain à  16h30

Salles de shoot, fausse solution ou mal nécessaire?

Des élus de gauche et de droite se prononcent ce vendredi en faveur des lieux médicalisés d´injection de drogue. Posez vos questions au député PS Jean-Marie Le Guen, défenseur de longue date de ce projet porté par les associations et Roselyne Bachelot mais enterré par François Fillon.

Posez vos questions dès maintenant par mail en cliquant ici, elles seront prises en compte au moment du direct.

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bighorsse femme
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sur FR3 hier il y a eu deux reportages sur la commision qui est parti en suiisse au QUAI 9 et à  paris au bus GAIA pour voir ce que serait une salle de shoot, bcp ont l'air interessé et persuadé du bien fondé de ces salles; je crois qu'on les verra bientot  du moins à  paris , marseille..quant au reste du pays on sait bien que c'est que de la province....

l angoisse est le vertige de la liberté

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Alain Will homme
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Vi... Cf. Newsletter d'Asud et du collectif SCMR :

A l'occasion du compte-rendu du séminaire d'élus locaux sur les centres de consommation supervisée, organisé par l'association Elus, Santé Publique et Territoires, le débat a repris de plus belle. Les élus locaux qui ont participé à  ce séminaire sont des villes de Paris, Marseille, Lille, Bordeaux, Le Havre, Saint Denis, Annemasse, et du conseil régional Ile de France. Ils sont issues de (presque) tout l'échiquier politique : PC, Verts, PS, Nouveau Centre, Modem, et UMP.

Lors du compte-rendu de ce séminaire :
- des recommandations (provisoires) ont été émises par les élus (ci-jointes) allant dans le sens d'une expérimentation de centres de consommation supervisée.
- Bertrand Delanöe, le maire de Paris, a fait savoir dans un mot lu par Jean-Marie Le Guen, qu'il était personnellement favorable à  l'expérimentation d'au moins un centre de consommation supervisée à  Paris (lettre ci-jointe)
- le conseil régional Ile de France a anoncé dans un communiqué de presse, qu'il ouvrait une concertation sur la question du financement de ces centres (ci-joint)

Ci-dessous, les principaux articles sortis aujourd'hui, en attendant les débats télévisés et radiopÄ¥oniques de demain.

AFP : des élus veulent un test
http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2010/ … n-test.php

LeMonde.fr : Salles de shoot : des élus rallument la polémique
http://www.lemonde.fr/societe/article/2 … _3224.html

MarsActu : Salles de shoot : l´adjoint au maire de Marseille ne désarme pas
http://www.marsactu.fr/2010/09/24/salle … sarme-pas/

FranceInfo : Toxicomanie : vers des "salles de shoot" ?
http://www.france-info.com/france-socie … -9-12.html

Que disent les économistes ? La polemique autour des salles de shoot
http://quedisentleseconomistes.blogspot … shoot.html

TF1News : pour ou contre les salles de shoot
http://lci.tf1.fr/france/societe/2010-0 … 76965.html

E-vous : Êtes-vous pour ou contre les salles de shoot à  Paris ?
http://www.evous.fr/Etes-vous-pour-ou-c … 37202.html

Direct Matin
http://directmatin.directmedia.fr/pages … ement.aspx

JDD : Salles de shoot: "Pourquoi la France en serait-elle privée?
http://www.lejdd.fr/Societe/Sante/Actua … ee-222234/

L'Express.fr : Il faut se libérer des fantasmes sur les salles de shoot"
http://www.lexpress.fr/actualite/societ … 21863.html

Libération.fr Tchat avec Jean-Marie Le Guen : «Ça n'a rien à  voir avec un coffee shop»
http://www.liberation.fr/societe/120134 … necessaire

Recommandations Séminaire ESPT (fichier pdf)

Message de Bertrand Delanoà« (fichier pdf)

Le communiqué de presse du Conseil Régional d'Ile de France (fichier pdf)

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Alain Will homme
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Allez un bien intéressant sur Bilbao : (Lemonde.fr)

A Bilbao, une salle de consommation accueille depuis sept ans les toxicomanes

© LeMonde.fr | 24.09.10 | 11h34  •  Mis à  jour le 25.09.10 | 09h01 | Aline Leclerc

http://www.lemonde.fr/societe/article/2 … _3224.html

http://s1.lemde.fr/image/2010/09/16/546x273/1411840_3_7bb3_situee-au-rez-de-chaussee-de-cette-tour-la.jpg

Située au rez-de-chaussée de cette tour, la salle de consommation est située en plein centre-ville de Bilbao, à  quelques mètres de la grande gare Santander (à  droite). ©Lemonde.fr



La salle de consommation de drogue supervisée de Bilbao, au Pays basque espagnol, a été créée en novembre 2003 pour répondre à  un problème tant de santé publique que de mauvaise qualité de vie des habitants du quartier central de San Francisco. La localisation de la salle de consommation en plein centre-ville, à  cent mètres seulement de la grande gare Santander, est d'ailleurs la première chose qui étonne celui qui arrive la tête pleine des débats en cours de l'autre côté des Pyrénées. Ni file d'attente, ni toxicomane échoué devant la porte, c'est à  peine si l'on remarque, dans la rue Bailen, la petite porte en bois à  l'enseigne de Médecins du monde, en basque "Munduko Medikuak", devant laquelle les voyageurs pressés traînent leur valise sans y prêter attention.

http://s2.lemde.fr/image/2010/09/17/273x273/1412675_4_ac8a_rue-bailen-la-porte-en-bois-de-la-salle-de.jpg

Rue Bailen, la porte en bois de la salle de consommation supervisée par Médecins du monde. © Lemonde.fr



C'est pourtant là , juste au-dessus de la ria, ce bras de mer qui pénètre dans la ville, que depuis sept ans des toxicomanes entrent discrètement pour consommer de la cocaïne, de l'héroïne ou un mélange des deux (speedball), soit en s'injectant, soit en fumant. En observant bien le va-et-vient dans la rue, on remarque, au milieu des voyageurs, des hommes au teint cireux, aux joues creusées, qui descendent depuis la rue San Francisco cinq cent mètres plus haut, et disparaissent un long moment dans le local. Mais avant d'y entrer à  notre tour, pour bien comprendre la raison d'être d'une telle salle, il faut remonter quelques années en arrière...

L'"ÉPIDÉMIE" DES ANNÉES 80

"Au Pays basque espagnol, l'arrivée de la drogue au milieu des années 80 a fait l'effet d'une épidémie particulièrement virulente, explique Aitor Aresti, psychologue, qui travaille avec des toxicomanes depuis près de vingt ans. Avec les overdoses, puis l'arrivée du sida, des villages de la côte ont été décimés. Des générations entières ont disparu. Je travaillais dans un centre d'aide pour toxicomanes et à  partir de 1984-1985, nous avons vu notre fréquentation croître de façon très importante, avec parfois plus de 300 patients par jour."

Dans les années 80, l'Espagne fut en effet, devant la France et l'Italie, le pays d'Europe où l'épidémie de VIH a été la plus violente parmi les usagers de drogue par voie intraveineuse. La gravité de la situation a contraint les institutions à  se confronter très tôt au problème et à  trouver des solutions. Le Pays basque devint ainsi l'une des premières régions à  lancer un programme de distribution de méthadone et d'échanges de seringues dans les pharmacies. "Mais après vingt ans de distribution de méthadone, on a dû se rendre à  l'évidence que certaines personnes n'avaient toujours pas résolu leur addiction", raconte Celina Perada, ancienne présidente de Médecins du monde à  Bilbao.

"La vente et la consommation sont devenues habituelles autour de la rue San Francisco à  partir de la fin des années 80, mais la situation s'est franchement détériorée dans les années 90, explique Carlos Askunze, porte-parole de la coordination des quartiers La Vieja, San Francisco et Zabalo. On voyait des gens se piquer devant nos porches, fumer de l'héroïne sous nos fenêtres ! Les habitants ne supportaient plus, il fallait faire quelque chose."

http://s1.lemde.fr/image/2010/09/23/546x273/1415237_3_8cc9_carlos-askunze-porte-parole-de-la-coordination.jpg

Carlos Askunze, porte-parole de la coordination des quartiers La Vieja, San Francisco et Zabalo. ©Lemonde.fr



C'est à  cette époque que l'idée de la création d'une salle de consommation va doucement voir le jour : les institutions sont mûres, les professionnels aussi, et les riverains n'en peuvent plus. C'est presque une coïncidence qui va mener Médecins du monde à  prendre en charge ce projet en 2003 : les locaux de l'organisation sont installées rue Bailen, près de la gare Santander, et c'est justement en dessous de ce local, sous les grandes arches et dans les escaliers qui longent la ria, que venaient se piquer les toxicomanes avec la drogue vendue 500 mètres plus loin, rue San Francisco.

http://s2.lemde.fr/image/2010/09/16/546x273/1411836_3_773e_c-est-juste-sous-les-locaux-de-medecins-du.jpg

C'est juste sous les locaux de Médecins du monde (en bas de la tour), sous les arches et dans les escaliers qui longent la ria, que les toxicomanes avaient l'habitude de venir se droguer avant l'ouverture de la salle. ©Lemonde.fr



"On les voyait s'injecter depuis notre balcon, raconte Celina Perada. A l'époque, s'occuper des toxicomanes ne faisait pas partie de nos activités, plutôt concentrées sur l'assistance médicale aux sans-papiers. Mais, dans les principes de l'association, il est dit que nous devons aider tous ceux qui sont exclus ou oubliés des institutions. Nous nous sommes dit que la salle serait un moyen de réduire les risques qu'ils courent et de leur ouvrir une porte d'accès aux services sanitaires."

Le projet est proposé au gouvernement basque. Les politiques savent que faire accepter une telle salle aux riverains n'ira pas de soi : Bilbao vient de connaître un important mouvement de protestation lors de l'ouverture d'un centre d'accueil de nuit pour sans-abri à  l'entrée du Casco Viejo, la vieille ville. Mais la proposition est approuvée par le Parlement. La salle sera financée conjointement par la province de Biscaye, le gouvernement basque, le plan de lutte contre le sida, et des fonds européens Interreg, obtenus grâce à  la collaboration transfrontalière entre Médecins du monde et l'association Bicia à  Bayonne.

"CERTAINS HABITANTS AVAIENT DU MAL À COMPRENDRE"

Reste à  définir les modalités de fonctionnement et à  convaincre les riverains : l'opposition manifestée contre l'ouverture du centre pour sans-abri rend la concertation incontournable. "Nous avons commencé à  avoir des réunions régulières, avec des politiques, les organisations sociales, les riverains, Médecins du monde, pour exposer nos inquiétudes sur la dégradation du quartier, se rappelle Jon Aldeiturriaga, représentants des commerçants du Casco Viejo. Tout le monde était d'accord sur le constat : les toxicomanes sont là , ils se droguent sous nos fenêtres, devant nos commerces, et certains sont porteurs du VIH, ce qui, s'ils laissent traîner leurs seringues, peut affecter d'autres personnes. On ne va pas les mettre en prison, alors que faisons-nous ? On était donc tous d'accord pour dire qu'il fallait trouver un moyen de réduire les risques et que la politique de répression n'avait pas été efficace. Alors on a commencé à  évoquer la salle, et on a pu poser toutes les questions qui nous venaient, même les plus bêtes."

"Certains habitants, plutôt âgés, avaient du mal à  comprendre ce type d'initiatives. Mais à  un moment, vous savez qu'on ne peut pas 'éliminer' les toxicomanes, comme le disaient certains, que ces gens sont là  ; tant que la rue San Francisco resterait le principal lieu de deal de la ville, ils resteraient là . Donc vous vous dites : 'qu'est-ce-que je peux faire pour améliorer la qualité de vie dans le quartier ?' Et la salle a paru une solution possible parmi d'autres, comme un surcroît de surveillance policière", ajoute Carlos Askunze.

Après avoir déterminé, en accord avec toutes les parties, les horaires d'ouverture et les modalités de fonctionnement, la salle a ouvert en novembre 2003. "Il y a eu quelques affiches 'NON A LA SALLE' au début, puis ça s'est arrêté. Et depuis, il n'y a jamais eu d'autre manifestation, ni d'autre conflit", indique Carlos Askunze, pour qui la salle fait désormais "partie intégrante du quartier".

"Vous me demandez ce que je pense de la salle, mais aujourd'hui je pourrais presque vous dire que je n'ai plus rien à  en dire, car si je sais qu'elle a ouvert et qu'elle fonctionne, je ne la remarque même plus !, ajoute Jon Aldeiturriaga. Ce que je peux dire, c'est qu'il n'y a pas eu d'augmentation de la délinquance autour de la salle, ni plus de drogués venant à  Bilbao. C'est devenu un projet comme un autre pour venir en aide à  des personnes en difficulté." "Je crois que l'ignorance fait beaucoup de mal, lance-t-il en évoquant le débat français. Les gens devraient mieux comprendre de quoi il s'agit avant de juger. Je peux vous dire qu'aujourd'hui, nous sommes vraiment très fiers ici d'avoir réussi cette concertation et d'avoir créé ce projet ensemble."

LE FONCTIONNEMENT DE LA SALLE

Il n'est pas possible pour le visiteur ponctuel d'entrer dans la salle lorsqu'elle "fonctionne". "Question de confiance", expliquent les membres de Médecins du monde. Pour des raisons budgétaires, le centre n'est pas ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre, mais de 11 h 30 à  19 heures. C'est donc en fin de journée que Maria Segador, éducatrice et psychologue, nous a permis d'entrer dans le centre.

Diaporama © LeMonde.fr :

http://www.lemonde.fr/societe/article/2 … 224_1.html

Après sept ans de fonctionnement, Médecins du monde dispose désormais de chiffres et de statistiques qui remettent en cause quelques idées reçues. La première, régulièrement citée en France par les opposants à  l'ouverture des salles, comme le député Philippe Goujon, est que ce type de salles crée un "appel d'air" : d'une part elles feraient venir encore plus de drogués dans la ville concernée, et d'autre part elles inciteraient des jeunes à  se mettre à  consommer.

"Ce n'est pas du tout ce que nous constatons, affirme Maria Del Rio, qui fait partie de l'actuelle équipe de direction de Médecins du monde à  Bilbao. L'âge moyen de ceux qui viennent est de 38,5 ans, et il augmente d'un an chaque année. Il n'y a donc pas d'effet incitatif sur des plus jeunes. Ce sont pour la plupart des personnes qui consomment depuis plus de dix ans, qui souvent ont essayé des méthodes alternatives comme la méthadone, mais sans succès et qui se retrouvent dans une situation extrême d'exclusion sociale, à  l'écart des autres recours sanitaires. Par ailleurs, 90 % des consommateurs qui viennent sont espagnols, et 70 % sont originaires de la région".

Les usagers, pour 84 % d'entre eux, sont des hommes. La moitié n'ont reçu qu'une éducation de niveau école primaire, et 80 % sont sans emploi. "En plus de permettre une consommation dans les meilleures conditions sanitaires possibles, ce centre permet à  ces personnes, qui étaient jusqu'alors complètement marginalisées, de se rapprocher des réseaux de soins. Pour eux, venir ici est déjà  un premier pas : ils ne consomment plus pour s'amuser, entre amis, mais viennent dans une structure, avec ses règles, son personnel. En somme, ils reconnaissent qu'ils ont un problème médical", ajoute Maria Del Rio.

C'est ce dont témoigne, en vidéo, ce toxicomane qui fréquente la salle assidûment : (avec l'aimable autorisation de MdM) :



"Bien sûr que nous voudrions qu'ils en sortent tous ! Mais c'est dur, et tout le monde n'a pas la force de caractère et les conditions nécessaires pour réussir à  décrocher. Alors il faut pouvoir aider ceux qui sont accros, et ce type de salles est une solution parmi d'autres pour réduire les risques qu'ils courent, explique Jacoba Zallo, de l'équipe dirigeante de Médecins du monde au Pays basque. Parce qu'ils font quelque chose d'illégal, on ne devrait pas leur offrir de l'aide ? Mais quand quelqu'un est grièvement blessé dans un accident de voiture alors qu'il ne portait pas sa ceinture de sécurité, croyez-vous que les médecins vont le laisser sans soins parce qu'il a transgressé la loi ? Pour nous, ce sont des malades chroniques, au même titre que des alcooliques et des fumeurs. Et ici, nous leur rendons un peu de dignité."

UNE APPROCHE "PRAGMATIQUE" PLUTÔT QUE "PHILOSOPHIQUE"

Dans la déclaration finale de la conférence internationale sur le sida qui s'est tenue à  Vienne cet été, les experts mondiaux ont appelé les gouvernements à  repenser les politiques de lutte contre la drogue, en les fondant "sur la science" plutôt que sur des "idéologies" : "Il existe maintenant des preuves irréfutables que les efforts d´application de la loi n'ont pas réussi à  enrayer la disponibilité des drogues illégales dans les collectivités où il y a de la demande. (...) Malheureusement, les preuves de l´échec de la prohibition des drogues (...) ainsi que les graves répercussions négatives de ces politiques sont souvent niées par ceux qui ont des intérêts cachés dans le maintien du statu quo. Cet état de fait a semé la confusion au sein du public et a coûté d´innombrables vies. Les gouvernements et les organisations internationales ont l´obligation éthique et juridique de répondre à  cette crise en mettant en place de nouvelles stratégies fondées sur des preuves et capables de réduire les préjudices liés aux drogues sans engendrer de nouveaux problèmes."

L'annonce à  Vienne par Roselyne Bachelot d'une possible expérimentation des salles de consommation en France se situait donc dans la droite ligne de cet appel, avant que Matignon, puis le président de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, fassent part de leur hostilité au projet.

"Nous ne sommes pas dans un débat philosophique mais dans une approche pragmatique", s'indigne Jean-Pierre Daulouède, de Médecins du monde à  Bayonne, qui est associé à  l'expérience de Bilbao et procède actuellement à  une campagne de dépistage de l'hépatite chez les usagers de la salle de consommation, une expérience financée par des fonds européens. En France, on a la passion des idées et un mépris souverain pour les faits. Il y a l'étude de l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) sur la réduction des risques, les conclusions de Vienne, et l'évaluation méticuleuse que nous faisons de l'expérience de Bilbao : on se soucie des bienfaits comme des nuisances, et aujourd'hui toutes les études scientifiques s'accordent pour dire que les aspects bénéfiques l'emportent de loin sur les aspects néfastes. Lutter contre la drogue en disant juste que ce n'est pas bien n'a jamais réduit ni la consommation, ni le nombre de drogués."

La création de la salle n'a pas résolu le problème de la drogue à  Bilbao. La rue San Francisco est toujours un lieu de deal, et tant que ce sera le cas, il y aura toujours des toxicomanes dans le quartier, sur les trottoirs ou sur les bords de la ria, même en plein après-midi. Mais la salle évite chaque année 33 000 shoots en pleine rue, plus de 200 000 depuis son ouverture. Autant de seringues qui ne traînent plus, qui ne s'échangent plus. Sans oublier les vies sauvées : plus de 120 overdoses ont eu lieu dans la salle depuis 2003 ; grâce à  l'intervention du personnel, aucune n'a été fatale.

Aline Leclerc


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filousky homme
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Libération du 30/09/2010
Gérard Larcher, président du Sénat a annoncé hier la mise en place dès la semaine prochaine d'un groupe de travail à  la Haute Assemblée sur les salles d'injection de drogue.

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