Bonjour, je viens vous faire part aujourd’hui d’un trip très particulier s’était déroulé avant hier.
Le contexte global d’abord. J’ai une expérience assez importante avec les
champis, j’ai du en prendre une trentaine de fois environ, jamais à forte dose. J’ai eu une expérience psychédélique massive avec l’ayahuasca en mars dernier, sur laquelle j’ai écrit un
TR détaillé également. Depuis cette expérience mes trips sous
champis ont totalement changé. Ils ne sont plus rigolos comme avant, mais beaucoup plus sérieux. Je ne parlerais pas de bad car même si ils sont parfois difficiles j’en tire toujours des enseignements utiles.
Donc il y a une semaine je décide d’entamer une diète en vue de tenter une seconde expérience avec l’ayahuasca. Je n’étais pas fermement décidé à le faire mais je me suis donné le temps de la diète pour bien réfléchir à cette décision. J’y ai finalement renoncé, sentant que le moment n’était pas idéal. Toutefois j’ai voulu essayer de prendre seulement du
peganum harmala (inhibiteur de MAO) pour me familiariser avec cette plante en vue d’utilisations ultérieures. Je laisse donc infuser quelques grammes de graines pendant quelques heures le matin, puis j’ingurgite la dégueulasse décoction vers 14h. 30 minutes plus tard je ressens les effets, assez légers, relaxants, légèrement sédatifs. Je prend alors la décision d’ajouter une petite dose de psylocibine à l’expérience. Pour ceux qui l’ignorent, les inhibiteurs de MAO tels que
peganum harmala ont un impact important sur la réaction a la psylocibine qui est beaucoup plus intense et de nature supposément différente. Je n’avais jamais essayé cela alors j’ai pris une dose vraiment modeste de
champis, à peine 1g sec.
Le trip à proprement parler. D’abord en ce qui me concerne j’ai tissé une sorte de lien assez étrange avec cette substance. Mon expérience de la psylocibine se manifeste d’une façon qui présente toujours des similitudes d’un trip à l’autre et plus j’avance dans mes explorations, plus ma manière de me représenter subjectivement l’expérience s’affine. Ce que je vais expliquer maintenant est très subjectif et décrit la manière dont je ressens la psylocibine lors des trips. À chaque fois c’est comme si j’invoquais une entité, toujours la même, que j’appelle « l’ami fongique ». Mes premières expériences étaient trop étranges pour que je le ressente ainsi, mais à force j’ai fini par me familiariser avec. Et depuis ce que j’ai vécu avec l’ayahuasca c’est comme si l’ami fongique me prenait davantage au sérieux, comme si j’avais « muri ». Au début du trip c’est toujours la même chose. Sentiment de retrouvailles avec cette présence bienveillante, débordant d’amour et de joie d’être à mes côtés. Je ressens des envies qui ne sont pas les miennes, comme si l’ami fongique me demandait la permission de ressentir les choses au travers de mes sens. Je l’autorise alors à prendre le contrôle de mes bras et de mes mains qui se mettent à jouer avec l’espace en formant des figures synchronisées dans l’air avec une précision et une complexité dont je suis totalement incapable en temps normal. Puis me mains se mettent à palper mon visage, puis mon corps, comme pour en ressentir la forme et la texture. Je ressens des émotions autres que les miennes, de l’intérêt, de la curiosité, une envie de jouer et de ressentir des choses au travers de mes sens. L’ami fongique me propose des sortes de jeux mentaux sous forme de puzzles métaphysique où de fascinants dispositifs géométrique. Mais je suis dans une démarche d’observation, j’essaye de m’abandonner totalement à cette présence pour l’observer sans interagir. C’est alors que brutalement mon corps cesse ses mouvements indépendants de ma volonté pour se figer dans une position très inconfortable. Il me faut quelques secondes pour reprendre le contrôle de mon corps et à ce moment je ressens un grand vide. Je ressens toujours les effets physique de la psylocibine mais plus aucun effet mental. C’est comme si l’ami fongique s’était volatilisé.
Il est réapparu quelques minutes plus tard mais le sentiment avait changé. Je ressentais de l’amertume, une sorte de vexation. C’est comme si cette entité s’était vexée de mon attitude et là les ennuis ont commencé. Je me suis fait passer un savon. L’ami fongique ne s’adresse pas à moi verbalement, sans doute qu’il pourrait le faire si je prenais une forte dose, mais sans cela la communication est davantage « ressentie », « pensée » qu’entendue. Toutefois je ressentais cette colère dirigée contre moi et voici en gros ce qu’elle me disait, traduit en français:
« Pour qui tu te prends humain? Pourquoi tu ne veux pas jouer? Pourquoi cherches-tu à savoir des choses que tu n’es pas en mesure de comprendre et qui ne te concernent pas? Tu veux vraiment qu’on parle de choses sérieuses à propos du sens de l’univers? »
Et là je sentais mes souvenirs de l’ayahuasca revenir, se révélant à nouveau non pas comme des souvenirs mais comme des dimensions parallèle de l’existence qui ont toujours été là, dans lesquelles en quelques sorte une partie de mon expérience de la vie est coincée depuis et pour toujours, comme si mes souvenirs n’étaient que des sortes de mécanismes de protection pour éviter à ma conscience d’être aspirée par ces réalités parallèles inconcevables, faites d’absurdités métaphysiques et de sensations aussi intenses qu’incompréhensibles. Des sortes de dispositifs existentiels en forme d’horloges cosmiques Dans lesquels mon existence se résume à des sortes d’engrenages et de pendules indescriptibles qui s’agitent en boucle dans un vacarme invraisemblable. J’ai vécu en parallèle dans une infinité de ces dispositifs sous
ayahuasca pendant ce qui semblait être une éternité, au point que ces souvenirs ne sont pas situables dans la temporalité ordinaire. Et lorsque je les ai senti à nouveau, que leur rappel s’est fait à ma conscience avec mon dernier trip, j’ai ressenti une angoisse vertigineuse. Une angoisse métaphysique bien plus terrifiante que ma propre mort, comme si j’étais sur le point de me retrouver à nouveau enfermé dans l’une de ces dimensions sans pouvoir en sortir. J’ai eu l’impression que l’entité cherchait à me faire peur, comme si elle me poussait au bord d’un précipice pour me menacer de me balancer dedans. J’ai interprété ça comme: « tu veux vraiment aller là? Tu te sens prêt pour aborder ces choses là quel’qu’en soit le prix? ».
J’ai alors chercher à sortir de cette transe, à penser à autre chose, mais impossible. Je me suis finalement rué sur mon piano et me suis mis à jouer. Ça a marché, le calme est très vite revenu dans ma tête. Mieux que ça, j’ai senti une vraie réconciliation avec l’ami fongique, comme si je faisais justement ce qu’il aimait que je fasse, à savoir: jouer, me faire plaisir, aimer et ressentir l’instant présent. J’ai joué un certain temps, c’était parfait. Puis lorsque je me suis arrêté j’ai eu un genre de « conversation » avec l’ami fongique. Une conversation très sérieuse et un peu dure non pas à propos du sens de la vie ou de l’univers, ou de la signification des mathématiques ou de l’existence. Pour la première fois le trip psychédélique s’intéressait spécifiquement à mes problèmes, à ma vie personnelle. Le message donnait à peu près ça dans l’idée:
« Écoute, tu es en danger, tu le sais et tu sais quoi faire pour éviter ça. Nous t’avons montré beaucoup de choses, tu penses avoir compris beaucoup de choses, pourtant tu ne les appliques pas dans ta vie, pas vraiment. Tu t’obstines dans la mauvaise direction à l’image du reste de ton espèce alors que tu as toutes les cartes en mains et les connaissances nécessaires pour prendre les bonnes décisions. Je ne peux plus rien pour toi tant que tu n’as pas fait le nécessaire pour changer de cap et évoluer. Tu n’as pas le choix, il sera bientôt trop tard. »
Je suis redescendu peu à peu avec un sentiment assez étrange de tristesse et de reconnaissance, de honte un peu aussi. J’ai pris la décision de déménager et de changer de vie, de quitter l’environnement toxique de la ville pour la campagne. Je sais au fond de moi que c’est la première décision qui s’impose à moi.
Voici donc comment s’est passé ce trip très étrange, à la fois sévère et utile. Je pense que tout «
bad trip » contient un message qu’il nous appartient de décoder pour en tirer des choses utiles. Avec l’habitude j’ai de plus en plus l’impression d’un dialogue avec une entité mais d’autres personnes ne le ressentiraient sans doute pas du tout de cette manière. Je ne prétend pas comprendre la vraie nature des effets psychédéliques de la psylocibine, j’utilise surement mon imagination quand je parle de cet ami fongique car cela me permet de donner du sens à l’expérience et d’en tirer une compréhension. Mais la réalité exacte est sans doute infiniment plus complexe et totalement inaccessible à ma logique.
Voilà, j’espère que ce
trip report vous aura intéressé.
Dernière modification par pierre (16 février 2020 à 18:52)