Pour répondre à ta question, oui, j’ai déjà vécu ce genre d’expérience. J’ai subi 2 chirurgies sous
substitution, à 10ans d’intervalle. Une fois sous
Subutex, et l’autre sous
Méthadone. Les 2 fois en situation d’urgence.
La 1ère fois c’était en 2005, j’étais sous
Subutex à l’époque, et j’ai été opérée pour exploration dans un contexte de douleurs qui leur faisait suspecter une appendicite (mais sans tous les symptômes classiques comme la fièvre, avec seulement la douleur localisée, et une inflammation importante retrouvée dans les analyses sanguines). Au final ils m’ont retiré l’appendice mais ce n’était pas ça. J’ai appris quelques années après que je souffre en fait d’une malformation du colon. Bref.
Pour en revenir au sujet qui nous intéresse, cette fois là ça s’est très mal passé niveau douleur. Je ne sais pas vraiment ce qui s’est passé, ils ont probablement confondu les effets de la
Méthadone et du
Subutex (agoniste de la
morphine pour la
Méthadone et agoniste/antagoniste de la
morphine pour le
Subutex, c’est à dire que la
Méthadone cumule ses effets avec ceux de la
morphine, tandis que le
Subutex lui annule tout ou partie des effets de la
morphine, et la
morphine diminue l’efficacité du
Subutex), ou autre mais le résultat c’est que j’ai passé 3 jours à n’être que douleur. Je me suis réveillée de l’anesthésie avec la sensation d’être à vif. La douleur était insupportable, tellement que j’étais incapable de parler, que le moindre mouvement était une torture... Sur l’échelle numérique de la douleur j’étais au maximum. Je les entendais parler de remettre 1 à 3mg de
morphine toutes les x minutes et je mourais à l’intérieur en sachant très bien que vu ma tolérance (j’en injectais des 200mg...) ça ne servirait à rien... C’était le protocole classique mais il était clairement inadapté pour moi. J’avais pourtant rencontré un anesthésiste juste avant d’être opérée, et j’avais bien pris soin d’insister sur le fait que je prenais du
Subutex et que j’avais très peur que la
morphine ne me soulage pas (en expliquant ma consommation d’opiacés etc.). Après l’opération, une fois de retour dans la chambre ils ont installé une seringue électrique avec un bouton pour déclencher des bolus (injection dans la perfusion) de
morphine. Je ne me souviens plus du dosage mais il me semble que c’était 2mg par 2mg. Je me souviens avoir été suspendue à ce bouton, comptant chaque seconde qui séparaient les 20min imposées entre chaque injection... J’avais l’impression que ça ne servait à rien, ça ne me soulageait pas du tout. Je me rappelle à ce moment là m’être posée la question de savoir si, si j’avais sauté la prise de
Subutex, si je n’aurais pas été mieux soulagée. Je me demandais, devant une telle inefficacité, pourquoi on n’augmentait pas le dosage de
morphine. Je ne comprenais pas qu’on me laisse souffrir alors qu’ils avaient la solution à portée de main. J’ai compris par la suite... devant mon insistance à augmenter les doses, ils ont toujours refusé, mais en plus ils avaient peur. Peur de l’overdose. Pour moi qui était à la limite du manque et qui souffrais le martyr, c’était incompréhensible. Pourtant je n’ai pas rêvé quand ils ont apporté une seringue de Naltrexone sur la tablette à côté de mon lit. J’étais clairement sous-dosée, et eux avaient peur que je fasse une OD. J’en rigole. Mais sur le moment j’étais loin d’en rire. Les 48 premières heures ont été atroces. Je n’ai pas pu dormir tellement j’avais mal. Ça a duré 3 jours, ensuite la douleur s’est estompée jusqu’à devenir plus gérable. Pour en avoir parlé avec le médecin qui me prescrivait le
Subutex, il y a manifestement eu confusion avec la
Méthadone, et avec l’étiquette de toxico qu’on m’avait collée, ils ont apporté peu de crédit à mes plaintes...
(HS : par ailleurs ils ont falsifié mon dossier médical. Il y est indiqué que j’ai eu l’appendicite, ce qui est en totale contradiction avec ce que m’avait expliqué la chirurgienne qui m’avait opérée, juste après l’opération. Elle m’avait dit que l’appendice était sain mais qu’ils l’avaient enlevé quand même. Je n’ai jamais compris pourquoi ils avaient écrit ça alors que c’était faux).
Quelques années plus tard, en 2014, je suis enceinte de 6 mois et sous
Méthadone depuis 8ans quand je suis brutalement hospitalisée pour menace d’accouchement prématuré en alitement strict car j’avais de grosses contractions, et la tête du bébé qui poussait. 2 jours plus tard, après m’être vidée de mon sang dans le bassin pour uriner, on a découvert à l’échographie que je faisais une hémorragie (hématome rétro-placentaire) et je suis immédiatement partie au bloc pour subir une césarienne en urgence sous anesthésie générale car mon fils et moi étions en urgence vitale... Si les suites ont été très douloureuses (j’ai marché comme une mamie pendant 2 semaines par exemple), ils ont beaucoup mieux géré la douleur.
Pour avoir récupéré mon dossier médical, je sais qu’ils ont employé d’autres antalgiques en plus de la
morphine.
Déjà ils m’ont anes thésiée avec des doses de cheval, j’ai passé 5h en salle de réveil avant qu’ils n’arrivent à gérer la douleur et que je me réveille réellement. J’ai été anesthésiée avec : du curare, un barbiturique et de la
ketamine. Niveau antalgiques j’avais d’abord eu un anesthésique local (en injection pariétale) du Sufentanyl (15microgrammes puis 10 microgrammes), 1000mg de
paracetamol et 50mg de
Tramadol. Ensuite en salle de réveil, étant très douloureuse j’ai eu de la
morphine (en
IV directe : 6mg, puis 8x3mg, 5x5mg, et enfin 2mg, le tout en moins de 2h) puis ils ont rajouté de l’Acupan (20mg). Mais ça ne suffisait pas, ni l’ajout régulier de
morphine, alors ils sont passés à la
Ketamine (5mg en
IV directe), à laquelle ils ont enfin ajouté du Profenid. J’estime, même si j’ai quand même eu très mal, qu’ils ont mis les moyens. Et contrairement à la première fois, je ne me suis pas sentie jugée.
Ces 2 expériences ont eu lieu dans le même hôpital, à presque 10ans d’intervalle. Je serais tentée de dire qu’il y a une évolution positive dans la prise en charge de la douleur chez les patients substitués et les toxicomanes. J’imagine que ça peut varier d’un hôpital à l’autre et qu’on peut encore tomber sur des cons...
Malgré tout je pense qu’il faut insister lors de la consultation avec l’anesthésiste sur le traitement de
substitution, la tolérance aux
opiacés etc. Ils ont les moyens de nous soulager autrement. En parler lors de cette consultation peut permettre de savoir comment ils comptent s’y prendre dans ce cas précis, de donner et d’obtenir des informations, de se rassurer et d’établir une relation de confiance avec l’équipe. Ne pas hésiter à demander au médecin prescripteur du traitement de
substitution de faire le lien avec le service qui te prendra en charge. Ça peut faciliter le dialogue, et en cas de doute ils ont un interlocuteur pour répondre à leurs questions. C’est encore mieux si le médecin en question travaille dans un
CSAPA où est addictologue, leur expertise est précieuse pour les équipes qui nous prennent en charge, elles savent qu’elles peuvent obtenir des conseils auprès de quelqu’un de qualifié et de confiance.
C’est normal de s’inquiéter avant une opération. C’est bien de se poser des questions, ça permet de mieux se préparer.
Si tu as des questions n’hésites pas.
Bonne chance!