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Les nouveaux consommateurs de cocaïne, « des M. et Mme Tout-le-Monde »

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pierre
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Pierre


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Les nouveaux consommateurs de cocaïne, « des M. et Mme Tout-le-Monde »
Contrairement à ce qu’avait affirmé Emmanuel Macron, la consommation de cocaïne dépasse de plus en plus largement celle des « bourgeois des centres-villes ».

Par Mattea Battaglia et Thomas Saintourens
Publié aujourd’hui à 13h00, modifié à 13h06

Temps de Lecture 7 min.

L’attaque ciblée est venue par la voix de Maud Bregeon, porte-parole du gouvernement, lors du point presse suivant le conseil des ministres du 19 novembre, largement consacré au narcotrafic. « C’est parfois les bourgeois des centres-villes qui financent les narcotrafiquants », a-t-elle asséné, rapportant les propos du chef de l’Etat. Cette unique référence à une forme de consommation d’élite brouille la réalité d’une diffusion bien plus large des drogues, et de la cocaïne en particulier, dont la vente est l’un des principaux carburants de la richesse des réseaux criminels.

« Banalisation », « normalisation », voire « démocratisation »… Les acteurs de terrain (policiers, magistrats, travailleurs sociaux, acteurs du soin) constatent depuis plusieurs années que ce produit psychostimulant se diffuse « partout » et touche toutes les couches de la société.

Du strict point de vue statistique, l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) estime toujours qu’il y a, en France, cinq fois plus de fumeurs de cannabis que d’usagers de cocaïne. Mais ces derniers sont de plus en plus nombreux, et les écarts se resserrent : en 2023, année de référence de la dernière « Enquête sur les représentations, opinions et perceptions sur les psychotropes », menée par l’OFDT, près d’un adulte sur dix (9,4 %) déclarait avoir consommé au moins une fois de la cocaïne au cours de sa vie, contre 5,6 % en 2017. Un quasi-doublement, en six ans, observé également pour l’usage dit « actuel », c’est-à-dire au moins une fois au cours des douze derniers mois : il a concerné, en 2023, 2,7 % des Français, contre 1,6 % en 2017.
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Les consommateurs déclarés sont plus souvent des hommes (3,9 %) que des femmes (1,6 %), avec une surreprésentation dans la classe d’âge des 25-34 ans (5,4 %) et des 35-44 ans (4 %). Cette photographie chiffrée, déjà un peu datée, devrait être actualisée par une nouvelle enquête menée au premier semestre 2026, avec une publication attendue en 2027, rapporte Ivana Obradovic, directrice adjointe de l’OFDT. « Nous allons y intégrer des questions sur les consommations régulières, au moins hebdomadaires, pour mieux évaluer les fréquences d’usage, mais aussi les contextes de consommation de cocaïne – en solitaire ou en groupe, chez soi ou au travail… », explique-t-elle. Avec l’objectif de croiser ces informations, peu traitées jusqu’à présent, avec les catégories socioprofessionnelles des répondants.

« Sous les radars »

En attendant, à l’unisson de beaucoup d’autres connaisseurs du sujet, elle martèle : « Les profils des consommateurs de cocaïne continuent de se diversifier », bien au-delà des secteurs professionnels habituellement épinglés, comme ceux du spectacle, de la communication, de la mode ou de la finance. Ivana Obradovic cite notamment les métiers de la restauration, de l’hôtellerie, du BTP ou de la pêche, « avec des usages relevant de plus en plus souvent du dopage et donnant l’illusion de “tenir” la cadence », dit-elle. D’une affaire à l’autre, c’est aussi le milieu du sport, professionnel comme amateur, qui est pointé du doigt, celui du rugby, par exemple. Une liste que Marie Jauffret-Roustide, sociologue à l’Inserm, complète en citant également les soignants ou encore les chauffeurs routiers. « La consommation augmente en période de crise économique, en particulier dans des environnements de travail soumis à une injonction à la performance ou en horaires décalés », rappelle cette chercheuse, qui dirige le programme « Drogues, sciences sociales et sociétés » de l’Ecole des hautes études en sciences sociales.
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Combien se considèrent comme des usagers occasionnels, même si, rappellent tous les acteurs du soin, le « risque sanitaire » existe dès la première expérimentation ? Combien sont des consommateurs réguliers, voire quotidiens ? Difficile à dire. « La cocaïne est une drogue qui passe facilement sous les radars, rappelle l’universitaire montpelliérain Yann Bisiou. La plupart des usagers n’en consomment pas dans la rue, mais chez eux, dans les toilettes des bars ou des restaurants, dans des fêtes… Et les acteurs de terrain, associations, médecins comme policiers, ne touchent que la portion congrue d’entre eux. » Du côté des médecins, l’estimation de 15 % à 20 % d’usagers en situation de dépendance est parfois avancée. Marie Jauffret-Roustide cite, elle, un autre chiffre, publié dans la revue The Lancet, faisant état d’environ 10 % de consommateurs dépendants, toutes substances confondues.

« Dans le discours politique et médiatique, il y a une dichotomie très forte entre les consommateurs dépendants, associés à des usagers de rue, des figures repoussoirs très stigmatisées, et les autres consommateurs, ceux qui voudraient “performer” au travail, dans un contexte festif ou sexuel, observe-t-elle. Ce distinguo pèse aussi dans l’imaginaire collectif, entre le consommateur qui contrôlerait ses usages et tous les autres, dit-elle encore. Mais la frontière, en pratique, est très floue. »

Les risques sont différents en fonction des profils socio-économiques des usagers, ajoute encore la sociologue : « Les catégories aisées ont tendance à expérimenter davantage [la cocaïne] que les catégories populaires. Mais les premières disposent plus souvent des ressources nécessaires – financières, réseaux, contacts… – pour se réguler ou se soigner, quand les secondes, qui en manquent, sont exposées dans une plus forte proportion aux risques d’addiction. »
Place croissante de la cocaïne

Les patients qui se pressent à la consultation de Jean-Pierre Couteron, addictologue à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), sont de milieux « plutôt privilégiés », relève ce spécialiste. « Beaucoup disent prendre de la cocaïne “de temps en temps”, “une fois par mois”, “en soirée”, souvent associée à de l’alcool. Ils ont un sentiment de maîtrise. N’ont pas l’impression de perdre pied. Mais quand on fait la somme des consommations vécues comme occasionnelles, on se rend compte que les usages sont souvent réguliers. »

Miroir des préoccupations des usagers, la plateforme de l’association Psychoactif, lancée il y a bientôt vingt ans pour leur permettre de partager leurs expériences dans un objectif de réduction des risques, reflète la place croissante de la cocaïne dans les usages. Même si, tient à souligner Pierre Chappard, président de la structure, les « visiteurs » ne représentent qu’un « segment » des consommateurs : « Ce sont des personnes entre 20 et 30 ans, souvent intégrées dans des parcours d’études ou en emploi. » Sur la centaine de forums que Psychoactif héberge, celui consacré à la cocaïne est devenu, en 2022, le plus consulté, avec 5 000 messages par an et des millions de visiteurs. Aux questions sur la « pureté » du produit, sur la « descente », ou sur les méthodes pour le « baser », c’est-à-dire pour diluer la poudre, se mêlent d’autres interrogations, nombreuses, sur ses effets sur la santé. « Nous avons énormément de messages qui demandent : “Comment arrêter ou gérer ma consommation ?” », rapporte-t-il.

Du côté des services hospitaliers, de nombreux voyants clignotent au rouge. « Les dépendances à la cocaïne, ou à la cocaïne associée à l’alcool, sont devenues le motif principal de prise en charge dans les services d’addictologie franciliens », alerte la psychiatre Florence Vorspan, qui exerce à l’hôpital Lariboisière-Fernand-Widal (Assistance publique-hôpitaux de Paris, AP-HP). Dans son service d’addictologie de 40 lits, le plus gros de l’AP-HP, comme dans beaucoup d’autres, la courbe des hospitalisations pour sevrage est ascendante, et les listes d’attente s’allongent, constate-t-elle, souvent sur la demande de patients qui n’ont pas le profil des consommateurs de rue marginalisés. « Ce sont, pour la plupart, des personnes qui ont encore un travail, encore une vie de famille, encore une vie sociale, et qui voudraient les conserver », dit-elle.
« Invisibilisation » des usagères

A la tête du service universitaire d’addictologie de Lyon, l’addictologue Benjamin Rolland rapporte que les demandes d’accompagnement pour usages de produits psychostimulants, à Lyon, ont été multipliées par cinq entre 2019 et 2023 – avec la cocaïne, souvent associée à d’autres drogues, désormais présente dans un tiers des sevrages. « Il y a dix ans, les profils de consommateurs étaient polarisés aux extrêmes, avec, d’un côté, des personnes très précaires, consommant de la cocaïne basée (du crack), de l’autre, des usagers bien plus aisés, par exemple des cadres, consommant de la cocaïne en poudre. On voit aujourd’hui beaucoup plus de profils intermédiaires, assez banals… Des M. et Mme Tout-le-Monde. » Avec une moyenne d’âge de 40 à 45 ans, dit-il, dont une partie se laisse désormais aussi tenter par de la cocaïne basée – elle est parfois rebaptisée « free base ».
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Il compte peu de trentenaires ou de vingtenaires parmi ses patients. Et très peu de femmes : « On considère que la prévalence des addictions est d’une femme pour deux hommes, explique encore le professeur Rolland. Mais, dans les structures de soins, les ratios sont encore plus bas. Chez nous, à Lyon, les femmes ne représentent pas plus de 20 % à 25 % des personnes prises en charge. »

Il n’est pas le seul à évoquer cette « invisibilisation » des usagères de cocaïne : au centre hospitalier universitaire (CHU) de Montpellier, où l’offre de soins en addictologie est très développée, avec deux services de consultation, deux services d’hospitalisation complète et deux autres en hospitalisation de jour, l’accueil des usagères de drogues fait partie des priorités. « L’addiction est vécue comme une maladie honteuse, plus encore quand on est une femme, et je ne parle même pas de celles qui ont des enfants et qui vivent dans la peur d’en perdre la garde, rongées par la culpabilité, observe la cheffe de service, Hélène Donnadieu. Si les données épidémiologiques montrent que les usages progressent, quel que soit le genre, ces femmes restent bien souvent à la marge des soins. » Pour y remédier, le CHU compte organiser, dès janvier, une journée par mois à destination de ces patientes, « en non-mixité ».

Un autre point important soulevé par cette professionnelle est la « polyconsommation ». « Il est rare, dit-elle, de voir un usager qui consomme uniquement de la cocaïne sans aucun autre produit. » D’autres signes d’évolution sont mis en avant par les travailleurs sociaux : « On constate une évolution de la pratique du sniff au profit de l’inhalation [de cocaïne basée] parfois chez des publics jeunes et aussi des personnes insérées, rapporte David Gautré, directeur d’Axess, un centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues à Montpellier. Ce type d’usages et de modalités de consommations, identifiés chez les personnes très marginalisées et souvent stigmatisées, semble se banaliser. » Et il inquiète : par son effet immédiat, il est considéré comme très addictogène.

Les consommateurs interrogent eux aussi les effets des évolutions à l’œuvre, rapporte Nicolas Franchitto, du service d’addictologie du CHU de Toulouse. « Le champ d’intervention de l’addictologie s’est élargi, avec des usagers, notamment des étudiants, qui viennent davantage consulter, même quand ils n’ont pas l’impression que leur consommation est problématique, rapporte le médecin. Parce qu’ils ont ressenti des effets qui les dépassent, des troubles du rythme cardiaque, une perte de connaissance. Mais aussi parce qu’ils ont conscience qu’avoir besoin de cocaïne, pour travailler ou, au contraire, pour se relâcher, cache un problème. Tout l’enjeu est de créer avec eux une alliance thérapeutique permettant de questionner ce qu’il y a derrière des consommations prétendument festives. »

Dernière modification par pierre (Aujourd'hui à 13:33)

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