'lut à tous,
Après mure reflexion et sur conseil de certains de mes proches, je vais vous temoigner de ce que la drogue m'a enlevé, au debauché, un soir de mars 2008, sans tambour ni trompettes...
Retour à la fac, petit passé de fumeur de
weed au lycée durant 2 mois, bref à part la clope pas grand chose en somme...
Après quelques semaines de cours, les groupes se forment, qui deviendront des amis, et surtout ma "chouette"... Elle s'appelle M, brune, timide, belle comme Athena (d'ou la chouette), elle me plait, on se plait, et la c'est le coup de foudre... Un éclair dans ma vie (on va dire que mon gabarit un peu hors norme, 2m05/135kg, fait que souvent les filles avaient peur, mais c'est pas la question ici...), ca brille comme de l'acier en fusion, à ce moment la je peux dire que je suis heureux...
La vie avance, les années passent, et pour elle comme pour moi, hormis la clope rien ne vient ternir cette suspension de l'espace temps quand on est tous les deux...
A la fin de nos Master respectif (en histoire pour les curieux), on se dit que les concours de grandes écoles ne sont qu'une étape. Nos amis partent sur d'autres cursus et se retrouvent éparpillés un peu partout. Nous, qui venons d'un milieu prolétaire, nous retrouvons à intégrer une grande école parisienne, sur deux disciplines différentes, mais au meme endroit...
On vit ensemble, on fait des projets et professionellement on a quelques touches intéressantes qui permettent de prévoir la sortie de l'école. En gros tout va bien...
Culturellement on est de gros consommateurs de livres, de cinema et de musique, Joy Division, Motorhead, Black Sabbath, The Cure, Trainspotting, les livres de Kerouac comme ceux de Bakhounine...
Il y a dans l'air cette sonnerie lugubre qui nous fait dire que c'est pas drole tous les jours, mais que l'on se soutient, on voit nos familles, on essaie de se convertir à quelques trucs, on en joue, bref un couple de 25 ans posé,bien dans ses baskets et qui se projette...
Niveau drogues, RAS, quelques soirée Red Bull/Vodka pour rester réveillé et continuer à bosser, de temps en temps des trucs homeopathiques pour se donner l'impression que ca va nous aider à rester au front... Les soutenances approchent, et chacun part faire son stage obligatoire à l'étranger... Je pars en Norvege, tandis que ma moitié se retrouve dans la ville de Kafka (Prague) en stage dans son musée... Le temps est long, mais les journées bien remplies, et internet nous permet de rester en contact...
Au bout de 6 mois, on se retrouve enfin (hormis quelques weekends durant le stage) et signons nos contrats de travail nous permettant d'abroder notre fin d'étude serein... Les mémoires sont pret, déposés et enregistrés, on prevoit meme 15j de vacances après la soutenance, direction le Perou...
Il n'y aura malheureusement jamais de Perou, un soir, M va passer la soirée chez une amie, pas pour faire la fête, mais pour bosser. Sa copine étant fan de certains produits pour tenir la distance (parce qu'a un certain niveau, les études ca épuise), je la préviens de faire gaffe et par finir le dépiotage des derniers mois de cours...
Je bosse jusque tard, et à 02h17, mon téléphone sonne... Au fond de moi je sais que quelque chose ne s'est pas bien passé, et ayant un oncle malade, je me dis que le crabe vient d'avoir sa peau... Sur mon téléphone s'affiche le numéro de M... Rassuré, l'espace de 0.1s je décroche et la comme l foudre, la voix de sa pote en pleurs me demandant de venir... 15 mn de marche, ou 2h, ou 1 million d'année, je ne sais plus... Il fait froid, et pourtant Paris est debout, me toisant de toute sa hauteur comme pour me dire "ca va aller ne t'inquiète pas"...
Une voiture du Samu me dépasse, je sens que je la reverrais, mais je me dis que c'est impossible... L'univers s'est contracté entre ces rues, il n'y a plus de temps, il faut juste que je la retrouve et que j'arrive à l'aider, mes tripes me le disent, elle a besoin de moi...
Au coin de la rue de sa copine, je vois les reflets des gyrophares sur les murs gris... Comme les "Te Deum", battant le rythme, implacables, insensibles à la détresse qu'ils viennent de faire surgir dans ma vie...
J'arrive, je me presente... Le médecin du Samu me dit que je ne suis pas de la famille, je lui demande si il peut me dire quelque chose, que je prévienne ses parents... et la la sentence tombe, d'une voix monocorde, je l'entends encore, "Monsieur c'est très grave"
Arrive la police, qui me demande son nom, ses habitudes de consommation, je leur dit tout ce que je sais, leur explique qu'elle était clean et que hormis le paquet de clope journalier, rien de méchant... Un gradé ou qui y ressemble ma prends de coté pour me dire que c'est une OD et qu'il est vital d'être franc... Je ne sais plus ou je suis, mais je veux l'aider...
Je monte dans le camion des pompiers, son coeur bat encore, sa poitrine se soulève encore, ses levres bleues... Elle n'irradie plus de cette chaleur, je ne sais pas si elle m'entends, je lui chuchote à l'oreille de rester forte, qu'on voit le bout de nos études et qu'enfin on pourra profiter un peu... Je lui dit aussi que je l'aime et qu'elle à pas le droit de me laisser seul... bref des niaiseries, mais dans l'espoir que ca soignerait tout...
Ca n'a rien soigné, j'ai suivi le camion de pompiers dans la voiture du Samu, direction l'hopital... Après des tests, et des spécialistes, j'ai un docteur qui vient me voir pour me dire qu'elle est en état de mort cérébrale et qu'il n'y a rien qu'ils ne puissent faire... Nos parents prevenus arrivent sur Paris dans l'après midi... Je ne sais plus ou je suis, et pense serieusement à tout lacher...
Sa soeur me dit que ca serait injuste pour elle de s'arreter la, et qu'elle s'occupera de tout, à la condition de finir ce pourquoi on est à Paris.
Je fais ma soutenance quelques semaines après, le lendemain, après un dernier au revoir, les machines qui la tenait en vie se sont tues, la chambre est devenue silencieuse, comme pour clore ce cauchemar... J'ai gagné un diplome, j'ai perdu l'amour de ma vie...
S'en est suivi le dernier hommage, les soutiens d'amis plus ou moins lointains, des gens venus d'un peu partout... Sa mère à mis fin à ses jours à cause du chagrin... Sa soeur a trouvé les reconforts d'une bouteille de bière ou de vodka, quand à son père, ses yeux rayonnent de cette tristesse qui donne l'impression que tout le malheur du monde lui est tombé dessus...
De temps en temps, j'ai de leurs nouvelles mais tout a été cassé, brisé, broyé..
Quant à M, une partie de ses cendres sont venue avec moi, au Pérou, et une partie d'elle dors sur cette Cordillière des Andes... L'enquete de police revelera que sa copine a voulu "la décoincer" un peu et lui a verser de l'
héroine dans son verre... Elle sera condamné à 6 ans de prison, c'est anecdotique... Son
héroine n'en étais pas, c'était un produit chimique que son dealer lui a refourgué...
Ma chouette a fermé ses yeux, les miens en ce moment meme sont encore pleins de larmes en y repensant, mais je me suis reconstruit, j'ai une famille (m nouvelle compagne connait l'histoire), mais la lumière est plus pale, et certains soir, c'est juste un peu plus dur...
Alors prenez soin de ceux que vous aimez, je sais que c'est un pavé, mais j'ai voulu etre le plus précis possible...
Guitto disait que "L'amour est le moyen inventé par la nature pour vaincre la mort"
C'est pour toi M, tu me manques...