La "troisième voie" américaine contre le trafic de drogue

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mikykeupon homme
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Vienne Correspondante - La guerre mondiale contre la drogue est finie, au moins dans la rhétorique des Etats-Unis sous Barack Obama. Mais des régions toujours plus vastes de la planète sont déstabilisées par les trafiquants de stupéfiants, qui brassent des centaines de milliards de dollars.

Ce constat paradoxal émerge de la commission annuelle sur les narcotiques de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime organisé, l'ONUDC, qui s'est tenue au siège de cette organisation, à  Vienne, du 21 au 25 mars. L'un des représentants gouvernementaux était le "tsar antidrogue" de la Maison Blanche, Gil Kerlikowske. Le président démocrate a choisi l'ancien chef de la police de Seattle, qui s'était attaché à  réduire les tensions interraciales, pour incarner la nouvelle politique américaine : une "troisième voie" entre répression et permissivité.

Le vocabulaire belliqueux longtemps en usage à  Washington remonte à  1971, quand le président Richard Nixon, alarmé par le nombre de soldats américains devenus toxicomanes au Vietnam, avait fait de la drogue "l'ennemi public numéro un des Etats-Unis". Mais, observe M. Kerlikowske lors d'un entretien accordé au Monde à  Vienne, "au bout de quarante ans, les gens étaient frustrés de parler de guerre : il faut se demander qui va la gagner, et quel est le résultat. Les minorités (surtout noire et latino) avaient le sentiment qu'elle était dirigée contre elles, plus que contre la drogue elle-même".

Il ne s'agit plus de mener une croisade universelle, comme au temps de Ronald Reagan, en stigmatisant les pays producteurs de stupéfiants, mais d'affronter, grâce à  une coopération "multilatérale", un grave problème de santé publique, doublé d'une menace sécuritaire. Ainsi, alors que l'administration de George Bush avait bloqué, en 2006, un amendement à  la législation mexicaine qui dépénalisait la possession de faibles quantités de stupéfiants (de la marijuana jusqu'à  l'héroïne), celle de M. Obama n'a plus cherché à  s'y opposer. "Le Mexique est un pays souverain", souligne M. Kerlikowske.

Il ne peut confirmer si les cartels mexicains, implantés dans plus de 200 villes des Etats-Unis et devenus des "entreprises criminelles diversifiées", ont des contacts jusqu'en Afghanistan, comme l'avancent certains experts. Ayant abandonné l'idéal d'un monde sans drogues, Washington s'efforce de contenir la flambée de violences qui ravage son voisin mexicain (34 000 morts depuis fin 2006), et de pratiquer la notion de "responsabilité partagée", inventée par les pays du Sud pour mettre en lumière celle des Etats-Unis, le plus grand marché mondial de stupéfiants.

"Destruction massive"

Le modèle des Américains, aujourd'hui, est la Suède. Moins laxiste que d'autres membres de l'Union européenne - telles l'Espagne ou la Grande-Bretagne, où le taux de prévalence de la cocaïne est de 3 %, contre 0,6 % dans le pays scandinave -, elle s'est engagée depuis trente ans dans des programmes de prévention dès l'école, et de prise en charge des drogués. La toxicomanie est "une maladie, non un crime", renchérit le nouveau directeur de l'ONUDC, le Russe Youri Fedotov.

Cette approche thérapeutique est revendiquée même par l'Iran, où le trafic de stupéfiants reste pourtant passible de la peine capitale - ce qui permet d'éliminer des opposants, relèvent les critiques du régime de Téhéran. La police iranienne produit pour la télévision des dessins animés éducatifs dont le héros est un journaliste qui s'évertue à  arracher les toxicos aux griffes des dealers. La République islamique, a révélé à  Vienne son ministre de l'intérieur, Mostafa Mohammad-Najjar, a perdu 3 000 policiers et militaires dans la guerre contre la drogue, et a investi 700 millions de dollars (497 millions d'euros) à  ses frontières orientales afin de freiner le flux d'héroïne.

Car la consommation de drogues dures ne cesse de s'étendre, dans des pays jadis simples producteurs ou de transit : 1 million d'héroïnomanes en Afghanistan, 3 millions au Pakistan, 2 millions en Iran. Et 2,5 millions en Russie, où les opiacés tuent chaque année 30 000 jeunes. Au point que l'homologue russe de M. Kerlikowske, Viktor Ivanov, qualifie l'opium afghan d'"arme de destruction massive", que les Nations unies, selon Moscou, devraient assimiler au terrorisme international.

Même l'Afrique de l'Ouest, à  laquelle une session a été consacrée à  Vienne, est devenue une porte d'entrée de la cocaïne sud-américaine vers l'Europe - et le théâtre de dangereuses alliances entre narco-trafiquants, hommes politiques et réseaux islamistes.
Joà«lle Stolz

Source : Le Monde 28/03/11

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