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speed et came pour dormir 



étrange temps, épidémie d'insomnie.
épargnés du covid, nos sommeils somnolent.

je ne suis plus la seule à galérer pour fermer les yeux.

je nous vois hypnotisés par les aiguilles-hamsters qui courent le quadrant. attente vaine de l'endormissement dans des doux bras.

Morphée ou pas, la morphine n'y est pas pour rien.

une amie qui noie sa dépendance aux opiacés dans une dilution chinoise. ça sauve de la chiasse, mais non pas du manque du sommeil. des bouquins, la bouffe, l'électricité dans les jambes et les films la nuit.

un ami qui flippe des contraintes de la metha, qui s'en prive sans dormir. à part les messages qu'on échange, je ne sais pas de quoi sont faites ses veillées.

et moi qui, après dix jours de pause opiacée, aujourd'hui, a bien dormi.

étonnant mélange pour passer une bonne nuit : amphétamine, héroïne et doxylamine.

hier, sous le soleil, je cours et je cours essoufflée au bord du fleuve. pendant l'heure permise, je m'épuise. je rentre en nage.

« une trace de speed, ça te dit ? ». le parc n'est pas fermé ici. des belles poutres blanches sont déjà prêtes. je médite sur les conséquences de ma fatigue. je m'en fous, je la tape.

avec son acidité qui pique mes narines, j'ai réalisé que ça faisait un bail que j'en avais pas pris. comment j'avais fait pour oublier que ça arrachait autant ? comment j'ai fait pour en taper autant ?

maintenaint, je suis trop habituée aux picotements vinaigrés de la marron pour me souvenir que, pour moi, fut un temps où « trace » c'était synonyme de speed. c'était la drogue festive de prédilection. et c'était la teuf bien trop souvent.

je me revois dans un souvenir onirique, sur mes vingt ans.

Liesse populaire dans un quartier méditerranéen en fête. Le début de l'été, le vin coule à flots, chaque taverne sort son stand, bouffe de rue à chaque coin, rythmes de tamburelles et musiques incessantes. Freestyle et breakdance sur les marches. Je suis doucement bourrée.
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Partie en meute, je me retrouve à deux avec un pote. Il me demande « Tu veux une trace ? ». Je le suis. Alcoolisée, j'ai bien envie d'un gros coup de fouet. J'aspire à une grosse grasse trace de despi.

Lumières chaudes de guirlande sans leds, ombres et recoins noirs. Mais pas assez pour avoir l'intimité de se faire une trace. Pas de parkings souterrains, les halls des batiments bondés de djeuns en train de rouler. Pas de voitures, que de gens partout.

Il se presse dans la foule avec sa grande carrure. Il vise les chiottes d'un snack. Nous rentrons ensemble. L'intérieur est calme par rapport à la cohue extérieure.
On se fait envoyer chier.
Les toilettes que pour les clients, en plus on pue l'alcool et on veut rentrer à deux.

On en retente un deuxième. La même histoire. Sa frénésie augmente. Encore un refus. Des toilettes "hors service". On en peut plus. Comme dans un rêve aux teintes de cauchemar, le fleuve humain sillonne les rues, le niveau sonore augmente. Notre recherche reste vaine au fur et à mesure que notre envie monte.

Mais, enfin, dans un petit resto à la salle étroite, un serveur fatigué, en train de ranger, nous donne la permission de se servir des toilettes.

On rentre, je tourne le loquet pendant qu'il s'assit sur le wc à tracer des lignes.

Je regarde la couleur étrange du produit. Je m'étonne de la consistance caillouteuse.
Ce n'est pas blanc, ça ne sent pas la lessive et c'est pas du tout floconneux.

« Mais, qu'est-ce que c'est ? » je lui ai demandé perplexe.
« De la meuh ».
« Ah. » Je m'étais gourée, "trace" ça ne voulait pas dire "speed".

Je finis la soirée à gerber mes tripes, après qu'on s'est embrassés dans le demi-mètre carré des chiottes. J'aurais bien préféré des amphétamines ce soir-là.

Au contraire, hier (plus d'une décennie après), une fois ma poutre blanche tapée, j'ai commencé à sentir l'intranquillité m'infiltrer.

Quelle idée de taper du speed pour rester cloisonnée dans quelques mètres carrés !
Je perds ma concentration, je gagne en bougeotte.
Pourquoi n'avoir plutôt cherché de la came ?

Ni une ni deux, mon cerveau se met en marche. J'y avais plus pensé, mais à un moment, j'avais caché un pochon papier quelque part. Enfin, c'était il y a plusieurs mois, je ne sais même plus si je n'avais pas tout filé à un amant en manque. Alors le speed est utile pour tout sortir, débarrasser les tiroirs.
Je le trouve, il est encore là.
Doit pas y rester grand chose, une trace, peut-être.

J'ouvre ce képa, les cailloux sont partis en poussière, mais j'ai largement de quoi me soulager.
Speedball à retardement, je me hâte sur mon calmant.
Les deux se mélangent dans ma tête, les pupilles ne savent plus leur diamètre. La lumière change, l'euphorie des amphets laisse place à celle opiacée. L'un descend, l'autre monte. C'est drôlement agréable.

Je m'active étrangement, dans un état de perfection altérée. J'y reviens et la soirée passe vite.

Je finis par piquer du zen sans avoir envie de m'endormir.
Je me couche pourtant, fatiguée de mes dernières nuits d'insomnie.

Je gobe un donormyl et je sens rêves et sommeil me happer. Que c'est doux.

Morale : j'ai dormi comme un loir.

Catégorie : Tranche de vie - 26 avril 2020 à  18:22

#héroïne #covid-19 #insomnie #speed



Commentaires
#1 Posté par : cependant 27 avril 2020 à  17:42
Ouf, cette nuit ça l'a fait encore...j'ai toujours peur pour la prochaine, mais on verra !

 
#2 Posté par : djinsinthewood 27 avril 2020 à  21:14
coeur. je passe mon confinement entre la Rita, la came, la nuit en vie sans vie, et mon daron qui me réveille à 9 heure tt les putains de matin pour que je bosse. Comment te dire que les soirées clean c cocktails de benzo et somni pour avoir un câlin de Morphée.

 
#3 Posté par : cependant 01 mai 2020 à  16:34

djinsinthewood a écrit

avoir un câlin de Morphée.

que j'aime bien cet image...

bon courage pour tes journées et nuits
c'est dur les parents des fois, il faut prendre de la distance pour pouvoir dépasser les divergences, même si ça ne permettra pas forcément de se comprendre...


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