Pikazepam t'a fait une réponse quasi parfaite. À partir du moment où tu as couché sur le forum ta question, la réponse est dedans.
Moi aussi, j'ai accepté de goûter l'
héroïne une fois en 1976 sans penser à mal. Il m'a fallu quelques années avant de succomber à la passion amoureuse de l'
héroïne avec deux ans de consommation non stop. Dans les années 80, se sevrer de l'
héroïne était une purge en hôpital, un
sevrage en 2 semaines maxi et dehors messieurs dames. Pas de suivi, rien. Le cauchemar annoncé était bien présent. Depuis mi 90 2000, le cauchemar a été remplacé par les
TSO (bien que la palette de produit pouvant substituer soit super réduite à deux molécules ayant l'AMM pour, la
buprénorphine et la
méthadone) et une possibilité de suivi médical sans avoir honte.
Dans ces conditions là, il y avait de quoi en avoir un peu peur car aucune
RDR (les seringues n'étaient pas en vente libre) ni d'associations militantes n'existaient sur le sujet. C'est l'arrivée du VIH qui a ouvert le bal. J'ai passé trois sales années à décrocher et ai passé les dix années de ma vie sans
opiacés (de 90 à 2000). C'était une chouette pause qui m'a permis de mettre de côté ce qu'il me fallait pour mon troisième âge et de concevoir un troisième enfant.
En 2000, après une longue réflexion sur mes points faibles et ne voulant plus jamais souffrir de mes consommations ou du manque de produit, j'ai repris les
opiacés et assez vite demandé un
TSO Méthadone avec lequel je vis plutôt bien depuis 22 ans.
Après cette présentation de ton interlocuteur, on peut parler de toi.J'ai le souvenir précis du moment où je me suis posé la même question que toi car en trois mois, ma femme et moi sommes passés de une fois par mois à une fois par WE, puis le WE et un soir de la semaine, puis tous les jours, les
opiacés étant devenus un besoin en apport extérieur vital pour être capable d'aller bosser ou de vivre bien simplement.
Depuis ma mise sous
TSO, la crainte de ressentir le début d'un soupçon de manque a disparu et j'ai totalement accepté le fait que mon organisme qui n'aime pas du tout du tout souffrir a besoin d'un apport quotidien conséquent et je l'ai, garanti par l'institution médicale.
J'ai 70 ans cette année et sur 50 ans de vie, j'ai passé 10 ans sans aucun
psychotrope et tout le reste avec un apport exogène d'opiacé qui me garantit un bien-être certain. La société qui nous entoure a diabolisé les dépendances, particulièrement l'
héroïne, la drogue des drogues qui faisait peur en 1970 alors qu'au début du même siècle, sa consommation était encouragée en remplacement des sulfates ou chlorhydrates de
morphine qui en plus de l'
opium étaient ce qui soignait les gens aisés de la mélancolie, terme englobant pas mal de troubles psychiatriques.
Il existe un merveilleux texte datant du début du 20° siècle, écrit par Antonin Artaud, écrivain génial alors interné à l'asile de Rodez pour son usage mal vu de
morphine et
opium. Je colle ce texte ici, c'est une perle : Lettre à M. le législateur de la loi sur les stupéfiants
antonin-artaud-letter-au-legislateur.docx - Antonin Artaud 1925
À te lire, je ressens très bien le questionnement légitime qui est le tien, mais veux te rassurer sur la façon dont est traitée la dépendance opiacée aujourd'hui (même si il y a beaucoup de choses à améliorer), malgré les préjugés innombrables qui circulent autour du démon "dépendance opiacée", alors que cette dernière n'est toxique que par les
coupes ajoutées dans le marché noir, l'
héroïne pharmaceutique ne provoquant pas de toxicité physique ou neurologique.
Sur moi, la consommation d'opiacé est plus qu'utile. Elle me permet de me lever le matin certain de me sentir bien dans l'heure qui suit mon réveil et ce jusqu'au coucher, limitant mes dosages d'antidépresseur et d'anxiolytiques au strict minimum, le reste du job étant fait par la
méthadone qui coule dans mes veines.
Je consomme en parallèle un peu de
cannabis et parfois un peu de stimulants (sans dépendance ni
craving) et même une vie plutôt chouette. C'est le cas de de nombreux forumers présents depuis longtemps sur Psychoactif. J'aborde mon troisième âge avec un moral et une énergie que je n'ai jamais connue chez mes grands parents de mon âge qui étaient des "vieux" dans la caricature du vieux faible.
Je fais rarement de long textes en réponse, modérant le forum depuis 2009, mais ce matin, je suis en forme, alors j'en profite pour exprimer mes idées et raconter comment j'ai géré ma vie accompagnée de drogues qui m'ont rendu de nombreux services et quelques ennuis. La balance pèse du côté services sans aucune ambiguité.
Amicalement
Fil
Dernière modification par filousky (09 novembre 2023 à 10:02)