[Marianne] L’ayahuasca La nouvelle drogue branchée

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Gilda
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Version intégrale de l'article de Marianne du 19 août 2017

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L'ayahuasca, la drogue d'Amazonie qui fait halluciner les Occidentaux

Venue d'Amazonie, cette plante hallucinogène est utilisée par les chamans lors de thérapies spirituelles. Ces cérémonies, qui attirent les touristes occidentaux et contribuent au business local, se répandent en France. Mais, attention à ses puissants effets secondaires. Notre collaborateur l'a testée.

Ils ont fait ce qu'ils ont pu pour que ça ait l'air amazonien. Posters de forêts accrochés aux murs, masques indiens et tambours posés à même le sol : ce léger maquillage sera insuffisant pour nous faire oublier que nous nous trouvons dans un petit deux pièces de la banlieue parisienne, à cinq minutes du RER. Nous sommes trois, dont deux novices. Tous venus pour l'expérience, pour prendre l'ayahuasca. Claire, une informaticienne toulousaine, en a entendu parler lors d'un voyage au Pérou. Eric, ex-toxicomane d'une trentaine d'années, en est, lui, à son quarantième « voyage » . « Pour les grandes choses de la vie, deuil, rupture, drames, j'ai trouvé dans l'ayahuasca un soutien permanent. Nous vivons dans un monde où le rapport au caractère sacré de la nature a été brisé. Je suis convaincu que l'univers est plein d'intelligences diverses, et que l'ayahuasca nous reconnecte avec certaines d'entre elles », explique-t-il d'entrée.

Deux « chamans » nous accueillent. L'enfance d'Eulalia s'est passée en en Amazonie brésilienne, à la frontièreavec le Pérou. Instruite très jeune des mystères de la plante, comme l’appellent avec respect les initiés, elle a exécuté de nombreuses cérémonies, appris les chants sacrés… Membre de plusieurs églises, elle se rend régulièrement à Amsterdam aux rituels du culte Santo Daime. Pour elle, les esprits existent au même titre que les voitures qui roulent dans la rue. Et il passe dans son regard au brun profond comme une nostalgie de là-bas, comme les traces d’un savoir qu’elle a déraciné sans le perdre.

L’autre est français, et s’est « converti » plus récemment. Grand, barbu, la soixantaine, Stéphane parle fort, regarde son interlocuteur droit dans les yeux. Lors d’un séjour au Brésil, alors que sa vie allait très mal (divorce, maladie…), il a goûté à la plante. « J’ai flotté comme un oiseau, guidé par des gens qui me disaient de me laisser aller. » « Sorti de son corps », il s’est senti « nettoyé ». Le grand trip ? Il proteste. L’ayahuasca n’a rien d’un flash psychédélique : c’est une démarche thérapeutique, accompagnée et pratiquée depuis des millénaires par les peuples de la forêt. Il insiste sur le mot : « thérapeutique ».

La « plante » se présente sous forme d’un liquide vert. C’est un mélange de deux végétaux, une liane du genre Banisteriopsis et une autre de la famille des rubiacées, que chaque tribu mêle selon sa propre recette. Au Pérou, où certains hôpitaux s’en servent, elle a été déclarée en 2008 patrimoine culturel de la nation. En France, elle est répertoriée comme drogue par la convention internationale sur les psychotropes de 1971 parce qu’elle contient du ), une puissante substance psychotrope, et la Miviludes signale dans son rapport 2009 qu’« une consommation moderne paraît très éloignée de l’essence et des racines du chamanisme traditionnel ». Mais la brigade des stupéfiants ne s’en inquiète pas encore : si elle note une vraisemblable augmentation de la consommation, la dernière affaire impliquant le produit remonte à 2012.

On nous donne le breuvage dans un grand verre qu’il faut avaler d’un coup. Le goût est extrêmement désagréable.
Puis nous nous allongeons sur des matelas posés au sol. Eulalia, vêtue d’une grande robe rouge, a mis en fond sonore une musique amazonienne, un chant de chaman.

Au bout d’un quart d’heure quelques taches rouges et noires se font jour derrière mes yeux clos. Puis elles s’élargissent, dessinent des images fantastiques, lumineuses, joyeuses. De grandes figures géométriques précèdent des vues de cosmos, des illuminations. C’est à la fois beau, apaisant, grandiose. Très vite pourtant, et sans que cela modifie ce que je vois, j’entends Eric se lever et vomir. Le vomissement fait partie des effets habituels, et nous en avons été prévenus. L’ayahuasca nettoie et ce n’est pas toujours agréable.

Visions intenses

Les images idylliques du début cèdent vite la place à des visions plus noires. Pendant l’une d’elles, je suis jeté à terre et battu par des gens que je n’identifie pas. Je ne ressens pas la douleur, mais une impression de danger. Puis j’ai le sentiment que des démons se battent à mon sujet. Ils n’ont pas figure humaine. Des nausées m’envahissent à mon tour. J’entends Stéphane me demander si ça va. J’ai l’impression qu’une barre de fer sort de mon dos et que je dois me soulever pour la laisser passer. Stéphane se met à me frotter vigoureusement. Je transpire énormément, je suis « bouillant », me dira-t-on plus tard.

Les visions plus douces reviennent ensuite, retrouvant en atténué le côté merveilleux de celles du début. Une fois, j’ouvre les yeux et vois le décor dans lequel nous sommes. Je les referme vite : trop cru, trop déconnecté. Au chant enregistré a succédé le vrai chant d’Eulalia, qui entonne quelques belles et douces mélopées. Le temps n’a plus de consistance. Je ne sais pas quelle heure il est. Suis-je bien ? Je n’ai en tout cas pas envie que ça s’arrête. Puis l’intensité des visions diminue. Quand j’arrive à me lever, douze heures plus tard, c’est pour me traîner et m’affaler sur le canapé.

Claire, elle, est bouleversée. Elle a un « secret », qui lui colle au dos depuis l’enfance et qu’elle nous raconte tout de suite. Ses parents l’ont eue tardivement. Avant elle, ils avaient eu une autre fille, plus âgée de quinze ans, qui tragiquement s’est noyée. Puis elle est née, précédant de peu l’arrivée d’un garçon. Toutes ses jeunes années, qu’elle qualifie de « merdiques », ont été difficiles : elle a toujours senti que son frère était le préféré, qu’on lui reprochait quelque chose qu’elle ignorait.
Petit à petit, elle se convainc qu’elle n’est pas la flle, mais la petite-flle de ses « parents » et que sa vraie mère est cette « soeur ». Disparue comment d’ailleurs ? questionnet- elle. Une mort accidentelle, comme on lui a dit, ou un suicide ? Dédaignée par ses proches, Claire s’est construite sur ces interrogations. Délire paranoïaque ? Secret de famille ? Elle ne sait pas. Mais ce doute sur ses origines pèse lourdement sur sa vie. Partout elle se sent illégitime, fait porter ce poids sur ses relations amoureuses, se refuse à faire confance à qui que ce soit. Elle voit un psy, le même depuis quinze ans, sans que cela l’aide vraiment. Quand Stéphane lui a dit qu’elle pouvait poser une question aux esprits, elle a tout de suite pensé à ça. En fn de séance, et après avoir beaucoup rendu, elle s’est vue dans les bras de cette « soeur », et a ressenti un sentiment d’amour « plus fort » que tout ce qu’elle avait éprouvé. Quelle que soit la réalité de ce qui lui est arrivé, son émotion, elle, est indéniable. Après une première expérience, Claire a regoûté à « la plante ». Plusieurs fois. Est-elle accro ? Elle nie. « Mais ça a été un coup de tonnerre dans ma vie », consent-elle. Elle en a parlé à son psy. Il l’a poussée à continuer, si cela lui fait du bien. « Et c’est vrai : ça m’a fait un bien énorme. »
Stéphane, honnête, essaie de la freiner. Il lui rappelle que certaines visions peuvent aussi être des projections du subconscient. « Pourquoi devrais-je renoncer au bien que ça me fait juste parce que ce n’est pas rationnel ? » rétorque-t-elle. Bientôt, elle ira oser parler de ses origines à ses parents, a-t-elle enfin décidé.

Chamans autoproclamés

Le nom de ce psychotrope amazonien commence à devenir familier en France. « Autour de moi, on en parle de plus en plus », constate Jean-Loup Amselle, anthropologue et auteur de Psychotropiques. La fèvre de l’ayahuasca (Albin Michel). Le film de Jan Kounen D’autres mondes, qui lui est consacré, est très regardé sur YouTube. Les magazines féminins l’évoquent et dans les cercles étudiants l’essayer devient « tendance ». A l’occasion de la Quinzaine amazonienne, manifestation consacrée aux peuples autochtones et organisée à Paris en décembre 2014, plusieurs cérémonies ont eu lieu. « Il y a de plus en plus de chamans autoproclamés, issus de la mouvance new wave, qui découvrent et font découvrir l’ayahuasca », continue Amselle. Celle que nous avons consommée provenait du Brésil, par avion, dans des bouteilles, fourni par la tribu d’Eulalia. Au Pérou s’est développé dans la région d’Iquitos tout un tourisme qui s’apparente à une perversion commerciale de pratiques ancestrales. Des centres se sont ouverts, la plupart dans la région de Pucallpa.

Le Français Jacques Mabit avec Takiwasi, Guillermo Arevalo avec Anaconda cosmica, Agustin Rivas Vasquez avec Sacha runa et Scott Petersen avec le Refugio altiplano sont les leaders d’une flière qui accueille les étrangers et leur fait vivre, dans des conditions plus ou moins confortables, des séances de prise d’ayahuasca. L’anthropologue Jeremy Narby, auteur du livre fondateur Le Serpent cosmique, préfère voir dans ce business le fait que « les Occidentaux sont enfn prêts à valoriser le savoir indigène ». Il reconnaît néanmoins que, mal administré, le produit peut provoquer des dépressions, voire mener au suicide. En août 2011, une Française de 43 ans est décédée au centre Sachawawa, à Tarapoto, au Pérou. Le 26 novembre2011, c’était un artiste paraplégique, Fabrice Champion, qu’on retrouvait mort dans une maloca (maison où ont lieu les séances). A chaque fois, les organisateurs ont mis en avant l’impréparation des novices, et surtout le fait que les victimes de ces accidents prenaient des antidépresseurs, totalement incompatibles avec la « plante ».
En France, aucun décès lié à l’ayahuasca n’a encore été signalé.

Le cinéaste Jan Kounen, grand prosélyte de l’ayahuasca à laquelle il a consacré un documentaire ainsi qu’une très longue séquence dans son flm Blueberry, se rend tous les ans en Amazonie pour en prendre. Mais il reste aussi prudent sur les limites de la « plante ». « Quand un chaman se casse la jambe, il va à l’hôpital. Et s’ il a un cancer, il fait une chimio », rappelle-t-il. Lucide…

Dernière modification par Gilda (19 août 2017 à  17:20)

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groovie
Adhérent
Inscrit le 13 Feb 2016
5107 messages
merci gilda pour l'article !
C'est branchay? big_smile j'adore les titres des articles en 2017 il faut vendre, so fukin dank
Il est pas si mal au final, il y a certains passages intéressants.

Un ancien camarade de lucid state prétendait que ça valait 10ans de psychothérapie, bon la RDR c'était un vague concept pour lui , visiblement.
Il y a quelque chose que j'ai toujours trouvé beau dans l'ayahuasca c'est la purge et la renaissance.
Un usager arrive avec ses problèmes, vomis littéralement et vomis aussi ce qu'il a à l'intérieur... un peu comme dans le passage de l'article avec la femme qui est née "en retard" avec troubles psy etc.  Le psychédélique fait écho avec son malêtre, provoque une résonance et un réveil, une renaissance.

Ou alors l'usager est traumatisé et l'ayahuasca fait reculer de quelques cases en arrières (case prison, pas de chance!)

https://i.ytimg.com/vi/IlMObagu91w/hqdefault.jpg


Cela ne soigne pas les maux de l'âme comme une potion magique, mais ça secoue les sédiments, c'est clair.
Le lendemain matin, au réveil, l'aube se lève et l'usager encore sous l'emprise de la substance (after effects) voit le monde sous un nouvel angle. C'est "une renaissance". Vous noterez qu'une (re)naissance peut être une expérience douloureuse et mal vécue wink






attention :

si vous importez des produits pour faire des sessions "ayahuasca" en france, c'est très sévèrement punis

Analyse de produits psychoactifs aux effets indésirables ou inhabituels et de manière anonyme, gratuite et par courrier. modos@psychoactif.org
https://www.psychoactif.org/sintes
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splinK
PsychoHead
Inscrit le 31 Oct 2014
1116 messages
Après faut faire attention avec ce genre d'expérience, tout le monde n'est pas pret à vivre une expérience aussi puissante, et de ce que j'ai pu entendre les organisateurs des stages sont peu sélectifs par rapport aux gens qu'ils emmènent avec eux hmm

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Waiky
Nouveau membre
Inscrit le 04 Oct 2017
8 messages
Je vis au nord du perou , j ai goute l ayahuasca ( un melange de chacruna et ayahuasca , prepare par un shaman .
La ceremonia s est deroulee sous les chants chamaniques avec des purifications .
Ici , c est considere comme medecine ancestrale .
C est tres fort , j al eu bcp de spasmes physique , j al vomi ... Par contre , comme bcp , j ai voyage dans des mondes remplis d amour et l abuelita (abuelita ayahuasca et abuelito huachuma (san pedro)) etait presente et rassurante .
C est aussi une facón de voir son animal .

Je crois vraiment en son cote terapeuta qué , ce n est pas un produit qui cree de dependance .... Et on a pas envíe d en reprendre tt de suite .

Ici , il y a un fort tourisme lié a la liane ... A iquito , il y a un centre a gringos qui paient deux mois de salaire peruvien pour aller faire leur trip ...
Je deplore le cote bobo lié a l ayahuasca ...
C est sacre
Et c est loin d etre recreatif ...apres j ai jamais essaye la dmt d europe qui doit etre synthetisee ... Et j ai pas envíe non plus ^^

Nb: il y a aussi une masse de charlatans qui tournent autour de ca

Dernière modification par Waiky (04 octobre 2017 à  21:53)

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